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Mémorisation des souvenirs

Comment notre cerveau construit notre mémoire pendant notre sommeil

Par Charlotte Arce

Grâce à un système unique qui décode l'activité cérébrale pendant le sommeil, une équipe de recherche a réussi à décrypter les mécanismes neuronaux de la consolidation de la mémoire.

metamorworks/iStock
Les chercheurs sont parvenus à décoder l'activité cérébrale pendant le sommeil de participants en combinant intelligence artificielle, IRM et EEG.
Ils ont constaté que certaines zones cérébrales s'activaient et communiquaient entre elles pendant le sommeil, ce qui renforce le lien entre les neurones.
Ils ont aussi constaté que notre cerveau sélectionnait davantage les "bons" souvenirs, et que ces derniers étaient donc plus facilement consolidés.

Que fait notre cerveau pendant les longues heures où nous sommes endormis ? Il dessine nos rêves… Mais consolide aussi notre mémoire, révèle une nouvelle étude menée par des scientifiques de l’Université de Genève (UNIGE) et publiée dans Nature Communications, qui ouvre pour la première fois une fenêtre sur l’esprit humain en sommeil.

Une combinaison d’intelligence artificielle, IRM et EEG

Les chercheurs expliquent avoir mis au point une intelligence artificielle capable de décoder l'activité cérébrale pendant le sommeil. En combinant l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) et l'électroencéphalographie (EEG), elle montre que, durant notre sommeil profond, notre cerveau effectue un travail de tri des milliers d'informations traitées pendant la journée. Pendant le sommeil profond, notre cerveau ne reçoit plus de stimuli extérieurs et peut évaluer tous ces souvenirs pour ne retenir que les plus utiles. Pour ce faire, il établit un dialogue interne entre ses différentes régions, notamment l’hippocampe (la région du cerveau qui stocke des traces temporaires d'événements récents) et le cortex cérébral.

C’est pour mieux comprendre ce processus que les chercheurs ont développé un décodeur "capable de décrypter l'activité du cerveau en sommeil profond et à quoi elle correspond, explique Virginie Sterpenich, chercheuse et co-autrice de l’étude. Nous avons notamment voulu voir dans quelle mesure les émotions positives jouent un rôle dans ce processus".

Pour mener à bien leur expérience, les scientifiques ont placé des volontaires dans un IRM en début de soirée et leur ont fait jouer à deux jeux vidéo : un jeu de reconnaissance de visages similaire à "Qui est-ce ?" et un labyrinthe en 3D dont il faut trouver la sortie. Ces jeux ont été truqués à l'insu des volontaires afin qu'un seul des deux jeux puisse être gagné pour que le cerveau associe le jeu gagné à une émotion positive.

Les volontaires ont ensuite dormi dans l'IRM pendant une ou deux heures - la durée d'un cycle de sommeil - et leur activité cérébrale a été enregistrée à nouveau. "Nous avons combiné l'EEG, qui mesure les états de sommeil, et l'IRM fonctionnelle, qui prend une photo de l'activité cérébrale toutes les deux secondes, puis nous avons utilisé un décodeur neuronal pour déterminer si l'activité cérébrale observée pendant la période de jeu réapparaissait spontanément pendant le sommeil", explique Sophie Schwartz, qui a dirigé les travaux.

Les récompenses mémorisées pendant le sommeil

En comparant les scanners IRM des phases de veille et de sommeil, les scientifiques ont observé que pendant le sommeil profond, les schémas d'activation du cerveau étaient très similaires à ceux enregistrés pendant la phase de jeu. "Et, très clairement, le cerveau revivait le jeu gagné et non le jeu perdu en réactivant les régions utilisées pendant la veille. Dès que l'on s'endort, l'activité cérébrale change. Progressivement, nos volontaires ont recommencé à 'penser' aux deux parties, puis presque exclusivement à la partie qu'ils ont gagnée lorsqu'ils sont entrés en sommeil profond", explique Virginie Sterpenich.

Deux jours plus tard, les volontaires ont effectué un test de mémoire sur les deux jeux. Là encore, plus les régions du cerveau liées au jeu étaient activées pendant le sommeil, meilleures étaient les performances de mémoire. Ainsi, la mémoire associée à la récompense est plus élevée lorsqu'elle est spontanément réactivée pendant le sommeil. Avec ces travaux, l'équipe genevoise ouvre une nouvelle perspective dans l'étude du cerveau endormi et de l'incroyable travail qu'il accomplit chaque nuit.