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Âge biologique

Voulez-vous connaître la date de votre mort ?

Par Charlotte Arce avec Jean-Guillaume Bayard

Un outil en ligne permet de prédire, parfois à la semaine près, combien de temps il reste à vivre aux personnes âgées.

BrianAJackson/iStock
Une calculatrice en ligne estime le risque de décès dans les trois mois, un an et cinq ans en fonction des données remplies par les utilisateurs.
Cet outil se concentre sur les personnes âgées qui utilisent ou ont besoin de soins à domicile et sont susceptibles de mourir au cours des cinq prochaines années.
Chez les humains comme chez les primates, l'augmentation de l'espérance de vie au siècle dernier n'est pas due à une réduction du taux de vieillissement.

Un simple questionnaire en ligne à remplir permettrait de prédire le temps qu’il reste à vivre aux personnes âgées. Des scientifiques canadiens de l’université d’Ottawa, en Ontario, ont développé une calculatrice qui permet, grâce à certaines données précises, de projeter avec précision le moment de la mort de ses utilisateurs. L’outil en ligne, baptisé RESPECT, se base sur les données de plus de 491 000 personnes âgées qui ont reçu des soins à domicile entre 2007 et 2013 dans l’État de l’Ontario.

Aider les soignants et les familles

La calculatrice fait actuellement l’objet d’une étude pilote dans la région canadienne. Son objectif est d’aider les soignants à comprendre les soins dont leurs patients pourraient avoir besoin. “Il est essentiel de savoir combien de temps une personne doit vivre pour prendre des décisions éclairées sur les traitements qu’elle devrait recevoir et où elle devrait les obtenir, a déclaré le Dr Peter Tanuseputro, médecin-chercheur à l’hôpital d’Ottawa. À mesure qu’une personne se rapproche de la mort, l’équilibre passe des soins curatifs comme objectif principal aux soins qui maximisent la qualité de vie restante d’une personne.” Il pourrait également servir aux familles. “Le calculateur RESPECT permet aux familles et à leurs proches de planifier, estime l’auteur principal, la Dre Amy Hsu, professeure au Département de médecine familiale de l’université d’Ottawa. Par exemple, cela peut aider un enfant adulte à planifier quand prendre un congé du travail pour être avec un parent ou décider quand prendre les dernières vacances en famille ensemble.”

Le calculateur propose un risque de décès dans trois mois, un an et cinq ans, en fonction des utilisateurs ayant les mêmes réponses Parmi les données réclamées, l’outil demande des renseignements sur l’âge, le sexe, les problèmes de santé sous-jacents, notamment la maladie d’Alzheimer, le cancer, l’insuffisance cardiaque, l’hypertension et les accidents vasculaires cérébraux, et la capacité de vaquer aux occupations quotidiennes. Il classe ensuite si le risque de décès du patient est faible, modéré, élevé ou très élevé. Au total, les utilisateurs doivent répondre à 17 questions sur leur santé ou celle d’un membre de leur famille et leur capacité à prendre soin d’eux-mêmes. Il se concentre sur les personnes âgées qui utilisent ou ont besoin de soins à domicile et sont susceptibles de mourir au cours des cinq prochaines années.

Impossible d’échapper à la mort

Qu’on puisse le prédire ou non, échapper à la mort est impossible. Si besoin était, une étude, menée par l'université du Danemark du Sud et l'université Duke (Caroline du Nord), et à laquelle ont participé des chercheurs de 42 institutions réparties dans 14 pays, le rappelle. Elle apporte de nouveaux éclairages en développant ce que les chercheurs nomment “l'hypothèse du taux invariant de vieillissement”, selon laquelle chaque espèce a un taux de vieillissement relativement fixe.

Une augmentation de l’égalité de la durée de vie

"La mort humaine est inévitable. Peu importe la quantité de vitamines que nous prenons, la salubrité de notre environnement ou la quantité d'exercice que nous faisons, nous finirons par vieillir et mourir", rappelle le Pr Fernando Colchero, auteur principal de l’étude.

Pour développer cette hypothèse du taux de vieillissement invariable, lui et son équipe ont procédé à la combinaison d’une multitude de données, parmi lesquelles l’espérance de vie, et l'égalité de la durée de vie, qui mesure la concentration des décès autour des âges élevés. Ils ont aussi comparé les schémas de naissances de décès de neuf populations humaines, avec ceux de 30 populations de primates non humains, notamment des gorilles, des chimpanzés et des babouins vivant à l'état sauvage et dans des zoos.

Les résultats montrent que plus l'espérance de vie augmente, plus l'égalité des durées de vie augmente. Ce qui signifie que la plupart des individus d'une population ont tendance à mourir à peu près au même âge, comme c'est le cas par exemple aujourd’hui au Japon ou en Suède. Dans ces deux pays, l’égalité de la durée de vie se situe vers 70 ou 80 ans. Toutefois, dans les années 1800, l'égalité de la durée de vie était très faible dans ces mêmes pays, car les décès étaient moins concentrés aux âges élevés, ce qui entraînait également une espérance de vie plus faible.

"L'espérance de vie a augmenté de façon spectaculaire et continue de le faire dans de nombreuses régions du monde. Mais ce n'est pas parce que nous avons ralenti notre rythme de vieillissement ; la raison en est que de plus en plus de nourrissons, d'enfants et de jeunes gens survivent, ce qui fait augmenter l'espérance de vie moyenne", affirme Fernando Colchero.

"Tout n'est pas perdu"

Ce schéma ne concerne d’ailleurs pas que les humains. Chez les primates, un mécanisme similaire se produit. "Nous observons que non seulement les humains, mais aussi d'autres espèces de primates exposées à des environnements différents, parviennent à vivre plus longtemps en réduisant la mortalité infantile et juvénile. Toutefois, cette relation ne tient que si nous réduisons la mortalité précoce, et non en réduisant le taux de vieillissement", poursuit le Pr Colchero.

Cela signifie donc que si l’on observe depuis le début du XXe siècle une augmentation de l’espérance de vie, cela ne signifie pas pour autant que nous avons trouvé un remède au vieillissement, et donc à la mort. Mais, affirme le Pr Colchero, "tout n’est pas perdu". "La science médicale a progressé à un rythme sans précédent, alors peut-être que la science pourrait réussir à réaliser ce que l'évolution n'a pas pu faire : réduire le taux de vieillissement."