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Premiers résultats chez la souris

Nanisme : un espoir de traitement pour rétablir la croissance

Par Afsané Sabouhi

Des chercheurs français ont restauré la croissance osseuse chez des souris atteintes d’achondroplasie, la forme la plus commune de nanisme.

La comédienne Mimi Mathy souffre d’achondroplasie, la forme la plus fréquente du nanisme. LEROUX PHILIPPE/SIPA

C’est une piste prometteuse pour les personnes souffrant d’achondroplasie, la forme la plus fréquente du nanisme. A l’image de Mimi Mathy, les personnes achondroplastes ont un buste de taille normale mais des membres courts et ne dépassent pas 1m40 à l'âge adulte. Chez des souris atteintes de cette pathologie du développement, une équipe française a réussi à rétablir complètement la croissance osseuse et publie ses résultats dans la revue Science Translationnal Medicine.


On sait depuis 1994 que la mutation responsable de cette maladie, qui touche environ 1 enfant sur 15 000 naissances, concerne le récepteur d’un facteur de croissance particulier appelé FGFR3. Chez les personnes achondroplastes, le récepteur de ce facteur de croissance est systématiquement dans une configuration qui bloque la croissance alors que chez un individu de taille normale, il alterne entre une forme active et inactive provoquant ainsi des poussées de croissance.

Ecoutez Elvire Gouze, chercheuse au Centre Méditerranéen de médecine moléculaire à Nice : « Nous avons injecté une protéine qui empêche que la croissance soit bloquée »


Entre leur 2e et leur 21e jour de vie, ce qui correspond à 15 ans à l’échelle humaine, les souris ont reçu 2 injections sous cutanées par semaine. La protéine que les chercheurs leur ont injecté en grande quantité est en fait la forme non mutée, non malade du récepteur du facteur de croissance. Elle agit donc comme un leurre, le facteur FGFR3 se fixe alors sur ces récepteurs injectés plutôt que sur ceux porteurs de la mutation pathologique. Le blocage permanent du processus de croissance osseuse est donc levé.

 

Les souris ne sont pas devenues géantes

Huit mois après le traitement, tous les membres des souris avaient retrouvé une taille normale, y compris le bassin, ce qui a permis aux femelles de mettre bas normalement. La forme du crâne et de la colonne vertébrale était également restaurée. « Et ce qui est particulièrement intéressant, c’est que du fait de la restauration de la croissance, les complications de l’achondroplasie chez les souris, comme la paralysie des pattes arrières, les troubles respiratoires ou la déformation crânienne ont aussi disparu », souligne Elvire Gouze. 

Les chercheurs envisagent encore 3 à 5 ans de tests sur des modèles animaux de plus en plus proche de l’Homme pour vérifier que ces injections n’ont pas d’effets toxiques. Les principales craintes semblent toutefois écartées, les chercheurs n’ont pas obtenu de souris géantes à la croissance devenue incontrôlable ou des vitesses de croissance différentes entre les organes.

Ecoutez Patrick Petit-Jean, vice-président de l’Association des personnes de petite taille : « Ce n’est pas qu’un problème de taille. Nous avons des problèmes d’apnées, de colonne vertébrale, c’est très bien que la recherche pense aussi aux complications »


Un traitement dans 10 ans ?


Ecoutez Elvire Gouze
, chercheuse au Centre Méditerranéen de médecine moléculaire à Nice : « En théorie, ça devrait marcher chez l’Homme, nous avons observé in vitro que le mécanisme est le même »

 

Si tout se passe bien, on pourrait donc envisager d’ici une dizaine d’années qu’un traitement permette aux enfants atteints d’achondroplasie d’avoir une croissance normale. Actuellement, aucun médicament n’est disponible, ni pour prévenir ni pour traiter cette forme de nanisme. L’injection d’hormones de croissance ou l’allongement chirurgical des os ont donné plus d’effets secondaires que de résultats probants, d’où l’intérêt de l’ingénieuse approche des chercheurs français. « Même si ce n’est pas la solution miracle disponible dès demain, c’est un bel espoir d’imaginer que les parents achondroplastes pourront avoir le choix pour leur enfant», souligne Patrick Petit-Jean. Vice-président de l’Association des personnes de petite taille, il est persuadé que tous les achondroplastes ne voudront pas que leur enfant soit traité. « Même si être de petite taille nous pose de gros problèmes de santé et d’accessibilité, cela fait aussi partie de notre identité, insiste-t-il. Dans les forêts, il y a de grands et de petits arbres, heureusement que nous ne faisons pas tous la même taille ! »