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Mort médicalement assistée

Fin de vie : que pourrait changer la proposition de loi sur l’euthanasie active ?

Par Charlotte Arce

C’est ce jeudi 8 avril que l’Assemblée nationale doit examiner la proposition de loi pour une « fin de vie libre et choisie », qui sépare l’euthanasie passive de l’euthanasie active. Quelles sont les grandes implications du texte et les critiques de ses opposants ? Éclairage.

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MOTS-CLÉS :
Les députés doivent examiner ce jeudi une proposition de loi pour une "fin de vie libre et choisie" qui prévoit "assistance médicalisée" pour permettre "une mort rapide et sans douleur" aux personnes atteints de pathologies incurables.
Actuellement, la loi Claeys-Leonetti de février 2016 autorise la sédation profonde et continue pour les patients en fin de vie.
Pour le Dr Claire Fourcade, présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), le passage de soins palliatifs à l'euthanasie qu'implique la proposition de loi serait un "changement anthropologique majeur".

En pleine crise de la Covid-19, le débat sur l’euthanasie et la fin de vie se réinvite à l’Assemblée nationale. C’est en effet ce jeudi 8 avril que les députés vont examiner la proposition de loi pour une "fin de vie libre et choisie". Déposée par le député Olivier Falorni (groupe Libertés et Territoires), elle souhaite faire évoluer, pour la quatrième fois depuis 2002, le droit français en matière de fin de vie. Et promet de susciter une nouvelle fois de houleux débats, dans l’hémicycle comme dans l’opinion publique. Pour preuve les quelques 3 000 amendements déposés, et qui risquent de compromettre l’examen du texte en une journée, comme le prévoit la "niche parlementaire" accordée au groupe Libertés et Territoires.

De l’euthanasie passive à l’euthanasie active

En 2005, la loi Leonetti instaurait pour la première fois un droit au "laisser mourir" en interdisant l’acharnement thérapeutique. Adoptée en février 2016, la loi Claeys-Leonetti allait plus loin, en autorisant la sédation profonde et continue jusqu’au décès pour les personnes dont le pronostic vital est engagé à court terme.

Qu’apporterait donc cette nouvelle loi si elle était adoptée ? Il s’agit ici de franchir la frontière entre euthanasie passive et euthanasie active en prévoyant une "assistance médicalisée" pour permettre "une mort rapide et sans douleur" à "toute personne capable majeure, en phase avancée ou terminale d’un affection grave et incurable" qui lui inflige "une souffrance physique ou psychique qui ne peut être apaisée ou qu’elle juge insupportable".

Mettre un terme aux souffrances des malades

Pour les défenseurs du texte, cette évolution de la loi régissant la fin de vie en France est absolument nécessaire et vient combler les insuffisances de la loi Claeys-Leonetti, qui ne peut soulager les souffrances de tous les malades. Interrogé par France Inter, Valérie Mesnage, neurologue à l’hôpital Saint-Ambroise, qui prend en charge des maladies incurables, pointe les limites de la sédation profonde telle qu’elle est actuellement autorisée. "Si vous ne dépendez pas d'une alimentation artificielle, d'une hydratation artificielle ou d'une ventilation assistée, vous n'aurez pas accès à la loi Claeys-Leonetti, notamment la sédation profonde et continue." "Les gens souffrent souvent longtemps avant qu'on leur accorde cette sédation totale, abonde Chantal Médal, déléguée départementale pour l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) dans la Loire sur les ondes de France Bleu Saint-Étienne Loire. Quand vous avez le cœur solide, ça peut durer longtemps, donc c'est de la souffrance."

Il s’agit aussi selon les partisans d’une évolution autour de la question de l’euthanasie de mettre fin à l’hypocrisie de la législation en vigueur qui, sous le terme de "sédation profonde", autorise déjà le droit à mourir.

Soins palliatifs et euthanasie, deux choix de société opposés

Mais pour les opposants à la proposition de loi, légiférer à nouveau sur la fin de vie n’est pas la priorité. "On souhaiterait que la loi actuelle, qui garantit des soins palliatifs pour tous, partout sur le territoire, soit appliquée", nous explique le Dr Claire Fourcade, médecin au pôle de soins palliatifs de la Polyclinique Le Languedoc à Narbonne et présidente de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). Soulignant le changement fondamental du rapport au soin qu’impliquerait l’adoption d’une telle loi, elle estime que ce "changement anthropologique majeur" n’est pas souhaitable au regard de ce qui se passe notamment dans les pays ayant autorisé l’euthanasie. "En Belgique, la loi a été revue dix-neuf fois en vingt ans pour élargir plus, et peut maintenant s’appliquer à des personnes qui ne sont pas du tout en fin de vie", déplore la présidente de la Sfap.

"Contrairement à l’idée présentée, selon laquelle l’euthanasie et les soins palliatifs iraient de pair, ce sont vraiment deux choix de société opposés, estime le Dr Claire Fourcade. Dans le premier cas, c’est le choix ultralibéral d’une société où chacun fait ce qu’il veut, comme si le choix personnel n’avait pas du tout de conséquence collective. Pour l’heure, la France a fait une loi du côté de la solidarité, avec un accompagnement des malades jusqu’à la fin."

Mieux faire appliquer la loi actuelle

Soutenant la loi Claeys-Leonetti qui autorise la sédation profonde et continue pour les patients en fin de vie, la Sfap milite désormais pour sa pleine application sur l’ensemble du territoire. "Là où l’on se rejoint avec l’ADMD, c’est sur le constat du manque de connaissances et de formation autour des soins palliatifs, qui font qu’il y a encore des patients qui ne sont pas aujourd’hui accompagnés dans des conditions satisfaisantes."

"Il y a encore un travail énorme d’information, de moyens, de formation" à mettre en œuvre pour accompagner les patients en fin de vie, considère la présidente de la Sfap, qui se prononce en revanche pour une révision de la loi Claeys-Leonetti afin de faciliter sa mise en œuvre. "Cette loi garantit pour tous les patients un accès à des soins palliatifs de qualité. Or, on estime que seul un tiers des patients en bénéficie actuellement."

C’est justement pour une meilleure application de la loi actuelle qu’Olivier Véran a récemment annoncé la création d’un "nouveau plan national de développement des soins palliatifs et d’accompagnement de la fin de vie". La Sfap, tout comme l’ADMD, et les sociétés savantes concernées par la fin de vie, feront partie du comité de pilotage. "Les débats qui ont lieu actuellement au sujet du projet de loi auront eu le mérite de rendre sensibles les députés à l’importance du suivi des politiques et du financement de la fin de vie", conclut le Dr Claire Fourcade.