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Addictologie

Covid-19, cancers, infarctus : "fumer la chicha est aussi dangereux, voire plus, que les cigarettes"

Par Mathilde Debry

Dans une vidéo partagée sur YouTube, le Pr Didier Raoult estime que fumer la chicha est un vecteur de transmission de la Covid-19. Une hypothèse partagée par Marion Adler, médecin généraliste et tabacologue, qui alerte sur les nombreux dangers sanitaires d'une telle habitude. 

Sergey Nazarov / istock.

- Pourquoi docteur - La chicha se place aujourd’hui en France comme le troisième produit le plus fumé, juste derrière le tabac à rouler et les cigarettes manufacturées. Peut-on parler d’une nouvelle mode ?

Marion Adler - C’est malheureusement une pratique qui augmente de plus en plus en France. J’ai déjà vu des chichas proposées comme cadeau de Noël dans des supermarchés, au même titre que des chocolats. Il existe aussi des fêtes foraines ou l’on peut gagner des chichas miniatures lorsqu’on remporte un jeu. Cet objet est devenu un vrai un moyen détourné de l’industrie pour vendre du tabac.

- En quoi est-ce dangereux pour la santé de fumer la chicha ?

Les gens pensent à tort que fumer la chicha est un moyen non dangereux de fumer du tabac, notamment à cause de l’eau. Mais l’eau ne filtre rien du tout, et fumer la chicha est aussi dangereux, voire plus, que les cigarettes manufacturées ou les cigarettes roulées. D’un point de vue sanitaire, une cigarette à rouler est deux fois plus dangereuse qu’une cigarette normale, et une bouffée de fumée issue d’une chicha est l’équivalent de plusieurs cigarettes. Ce qui est dangereux, c’est la fumée, et c’est la même.

Tous ces produits peuvent provoquer les mêmes pathologies, potentiellement mortelles : des maladies cardiovasculaires, des maladies respiratoires et des cancers. Par ailleurs, les chichas contiennent de la nicotine, et peuvent donc être une porte d’entrée vers une dépendance aux cigarettes classiques.

Enfin, les chichas sont en général partagées à plusieurs, avec le même embout qui circule de bouches en bouches. C’est donc un vecteur potentiel de la Covid-19, et de toutes sortes de maladies virales ou bactériennes.

- Peut-on être accro à la chicha ?

Bien sûr : il y a des gens qui ressentent le besoin de fumer la chicha tous les jours, voire même plusieurs fois par jour.

- Est-ce nocif de fumer une chicha de temps en temps, simplement pour partager un moment de convivialité ?

Plus on fume la chicha, plus c’est dangereux pour la santé. Mais c’est de toute façon nocif d’aspirer de la fumée, même très occasionnellement. Notre corps n’est conçu que pour respirer l’air ambiant.  

- Pour les personnes qui fréquentent les chichas sans fumer, juste pour être avec leurs proches, y a-t-il des risques de tabagisme passif ?

Oui, car c’est la même fumée que celle des cigarettes.

- En France, quelles sont les populations qui fument le plus la chicha ?

Il y a d’abord les jeunes (filles et garçons), qui sont très séduits par les parfums sucrés mis dans le tabac des chichas.Ensuite, les populations immigrées d’Afrique du Nord, ou fumer la chicha est très populaire, ont aussi tendance à reproduire cette habitude en France. Dans ce cadre, c’est plutôt une habitude masculine.

- En tant qu’addictologue, que conseillez-vous aux fumeurs de chicha ?

Je leur conseille d’arrêter, et, s’ils n’y arrivent pas, de consulter rapidement un addictologue pour se faire aider. Si le fumeur de chicha souffre d’une dépendance physique, les sevrages tabagiques classiques peuvent tout à fait fonctionner, comme avec les cigarettes. Si c’est une dépendance sociale, cela peut aussi être géré par des tabacologues ou des addictologues.

- Voyez-vous régulièrement des fumeurs de chicha lors de vos consultations ?

J’en vois beaucoup moins que les fumeurs de cigarettes, mais oui, j’en vois de temps en temps.