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QUESTION D'ACTU

Grossesse

Les dérives de la démédicalisation de la grossesse

Les professionnels de santé s'inquiètent de cette tendance qui peut mettre les femmes en danger.





« Je voudrais accoucher accroupie. Est-ce possible à l'hôpital ? » « La maternité qui est à côté de chez moi est une vraie usine à bébés. Je n'ai pas envie de ça pour mon accouchement. C'est quoi l'alternative ? » Les forums regorgent de questions de ce type. La démédicalisation de la grossesse est un mouvement qui ne date pas d'aujourd'hui mais qui prend de plus en plus d'ampleur.
Les doulas (1), autrement dit ces accompagnantes de la naissance, surfent sur cette vague et sont arrivées en France en 2003. Leur mission : informer, soutenir moralement et accompagner les couples avant, pendant et après la naissance. Elles peuvent par exemple les aider à choisir leur mode d'accouchement, les masser pendant le travail ou encore les aider pour allaiter.

Le Pr Roger Henrion, gynécologue-obstétricien, s'est intéressé à cette « profession émergente » puisqu'il a remis un rapport sur le sujet à l'Académie de médecine au début de l'été. Et globalement, il « met en garde la société contre toute reconnaissance officielle » des doulas. Leur « connaissance est essentiellement empirique, leur formation théorique onéreuse et leur formation pratique très limitée », dénonce le Pr Henrion. Cependant, le danger est limité puisqu'elles ne seraient qu'une cinquantaine à exercer et une centaine en formation.
Les maisons de naissance sont-elles promises à un meilleur avenir ? Pas si sûr. Certes, l'expérimentation de ces lieux de suivi de grossesse et de prise en charge des accouchements non-pathologiques gérés par des sages-femmes, faisait partie des priorités du plan périnatalité 2005-2007. Mais ces maisons de naissance restent pour l'instant dans les cartons. Et plusieurs voix se sont élevées contre le projet d'expérimentation. Le Collège national des gynécologues et obstétriciens français a pris position en mars dernier. Selon lui, il n'est « pas cohérent en termes de santé publique de fermer pour des raisons de sécurité des établissements réalisant moins de 300 accouchements pour en ouvrir d'autres qui feront bien moins d'accouchements et seront en outre non médicalisés ».

Les limites de la technique
Pourtant, tous les médecins ne sont pas sourds aux sirènes de la démédicalisation. Un certain nombre concède même que la technique à outrance a des effets pervers. Le Pr Claude Sureau, membre de l'Académie de médecine, reconnaît par exemple « les excès du monitoring », une technique qu'il a pourtant contribué à mettre en place. « Si on enregistre une modification du rythme, on ne sait pas bien l'interpréter. Mais les accoucheurs ont tout de suite tendance à appliquer le principe de précaution et à pratiquer des césariennes. » Le recours massif à l'épisiotomie – 68% chez la primipare – est lui aussi jugé excessif. Le CNGOF estime qu'il devrait être inférieur à 30% .
Quelques rares professionnels sont allés plus loin que le simple constat. Le Pr Israël Nisand a par exemple récemment ouvert une maison de naissance, mais dans l'enceinte même de son service au CHU de Strasbourg, une maternité de niveau 3. Les femmes qui le souhaitent et dont la grossesse n'est pas à risque, peuvent accoucher dans une baignoire, avec des cordes de suspension, sans péridurale, « avec une intimité approprié aux débuts de la vie », précise le Pr Nisand. Un moyen de concilier sécurité et humanité.

 (1) Doula est le féminin de « doulo » qui signifie esclave en grec ancien.  


Questions au 
Pr Claude Sureau, membre de l'Académie de Médecine

L'accouchement n'est pas un acte naturel 


Que pensez-vous des doulas?

Pr Claude Sureau. Les doulas, c'est du personnel non formé, non qualifié, qui peut interférer dans le déroulement du travail. En cela, elles constituent une mauvaise réponse à l'angoisse des futures mères concernant l'accouchement. D'autant que les bonnes réponses existent déjà. Cela s'appelle tout simplement les cours de préparation à l'accouchement. 

L'émergence des doulas est-elle dûe à la volonté des femmes de démédicaliser la grossesse ?
Pr C.S.
Pas vraiment. Elles profitent surtout des restrictions budgétaires auxquelles les hôpitaux sont contraints. En effet, j'ai vu au fil des ans le personnel se réduire et la qualité de l'accompagnement des femmes enceintes s'effilocher. Ces éléments sont les premiers à trinquer. Du coup, on tente de les remplacer par les doulas. Cela me révolte car ce service de moindre qualité est onéreux, et donc réservée aux femmes les plus aisées.

Malgré tout, faut-il favoriser des accouchements plus naturels ?
Pr C.S.
Il faut rappeler aux femmes que l'accouchement n'est pas un acte naturel. Il requiert beaucoup d'attention. Un défaut de surveillance au nom d'un naturalisme excessif peut avoir des conséquences terribles. C'est pourquoi je pense sincèrement que des maisons de naissance hors de l'enceinte hospitalière constitueraient une véritable régression.  

 

 

 


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