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Scandale sanitaire

Chlordécone aux Antilles : 4 ministres auditionnés pour faire la lumière sur la responsabilité de l'État

Par Charlotte Arce

Utilisé dans les bananeraies antillaises jusqu’en 1993, le chlordécone empoisonne toujours les sols de Guadeloupe et de Martinique. Quatre ministres, dont Agnès Buzyn, doivent être entendus ce lundi par une commission d’une enquête parlementaire pour évoquer la responsabilité de l'État et ouvrir la voie à une indemnisation.

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Le chlordécone a beau ne plus être utilisé dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe depuis 1993, la pollution des sols continue d’empoisonner les habitants des deux îles d’Outre-mer.

Alors qu’au début du mois, était révélé que plusieurs tonnes de chlordécone auraient été enfouies sur un site guadeloupéen où est aujourd’hui implanté un lycée, une commission d’enquête parlementaire cherche aujourd’hui à savoir à qui incombe les responsabilités "publiques et privées" de la prolongation de l’utilisation de cet insecticide.

Ce lundi 14 octobre débute en effet l’audition de quatre ministres : Frédérique Vidal, ministre de la Recherche, Agnès Buzyn, ministre de la Santé, Annick Girardin, ministre des Outre-mer et Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture. Objectif de ces auditions qui se poursuivront jusqu’à jeudi : évaluer les conséquences de la pollution des sols, retracer les responsabilités et ouvrir la voie à une indemnisation des victimes et des territoires contaminés.

Des sols pollués pour 700 ans

Interdit aux États-Unis dès 1975 et en France en 1990, le chlordécone a en effet continué d’être utilisé dans les bananeraies des Antilles pour lutter contre le charançon du bananier jusqu’en 1993 en vertu d’une dérogation gouvernementale. Polluant massivement et jusqu’à 700 ans les sols, l’insecticide classé cancérigène probable par le Centre international de recherche sur le cancer est fortement soupçonné de favoriser le développement du cancer de la prostate. Il peut être par ailleurs à l’origine de sévères troubles neurologiques - troubles de la motricité, de l’humeur, de l’élocution et de la mémoire immédiate, mouvements anarchiques des globes oculaires - et de troubles testiculaires et classé comme perturbateur endocrinien. Selon une récente enquête de Santé Publique France, la quasi-totalité des Guadeloupéens (95%) et des Martiniquais (92%) sont contaminés au chlordécone.

Ce n’est qu’en 1999 qu’a éclaté le scandale sanitaire autour de son utilisation, lorsqu’une campagne de la Direction de la santé et du développement social a montré que les sols sont contaminés pour des siècles, tout comme les rivières, le littoral marin, le bétail, les volailles, les poissons, les crustacés et les légumes.

"Avant les années 1990, nous ne disposions pas d’analyses techniques de ce niveau. C’est la finesse de ces analyses qui a permis cela", a expliqué lors de son audition le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, cité par le Figaro.

Depuis, Emmanuel Macron a reconnu lors d’un déplacement en septembre 2018 aux Antilles que l’empoisonnement des sols au chlordécone était le "fruit d’un aveuglement collectif", dans lequel l’État doit "prendre sa part de responsabilité".

D’autres auditions attendues

Présidée par le député de Martinique Serge Letchimy, la commission d’enquête parlementaire souhaite faire toute la lumière sur l’impact environnemental, sanitaire et économique de l’utilisation du chlordécone en Martininque et en Guadeloupe. "Cela me semblait totalement justifié de savoir ce qu’il s’est passé, comment on a pu autoriser ces produits, qui les a importés, dans quelles conditions et quelles sont les mesures arrêtées après qu’on [a] constaté que c’étaient des produits hyperdangereux", a ainsi déclaré Serge Letchimy, cité par le Monde.

Outre les quatre ministres entendus cette semaine, la commission d’enquête parlementaire a aussi auditionné les agences sanitaires, les administrations et services de l’État, et des experts scientifiques. D’autres suivront : ce sont celles des agriculteurs, des pêcheurs, des associations et des services de l’État sur place. Un premier rapport devrait paraître pour le début du mois de décembre.