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Histoire

Maladie d'Alzheimer : le maréchal Pétain était-il atteint ?

Par Chloé Savellon

Selon un récent article paru dans la Revue de gériatrie, le maréchal Philippe Pétain était peut-être atteint de la maladie d'Alzheimer. Cette hypothèse est avancée par le professeur en gériatrie Jean-Marie Sérot. 

Wikimedia Commons

Le maréchal français Philippe Pétain souffrait-il de la maladie d’Alzheimer ? C’est la théorie avancée par le médecin Jean-Marie Sérot. Dans un récent article publié dans la Revue de gériatrie, le professeur de gériatrie à Amiens affirme qu’en 1940, soit pendant la Seconde guerre mondiale, le maréchal Pétain "souffrait d’une affection neurodégénérative dont les premiers signes sont apparus dès 1930". 

Si ce "diagnostic" reste impossible à prouver d’un point de vue strictement scientifique, les arguments du Pr Sérot reposent sur une hypothèse médicale, élaborée à la lecture de la biographie Pétain de l’historienne Bénédicte Vergez-Chaignon, parue en 2014 aux Éditions Perrin. Contactée par Jean-Marie Sérot, l'auteure de l’ouvrage a confirmé à France Info que "c'est une question qui traîne autour de Philippe Pétain depuis Vichy".

La maladie d’Alzheimer est une maladie neurodégénérative, c'est-à-dire qu’elle entraîne de manière progressive mais irréversible un dysfonctionnement des cellules nerveuses du cerveau. L’âge avancé est le principal facteur de la maladie. 

Dans plus de 90 % des cas, la maladie débute par des troubles de la mémoire des événements qui datent de quelques heures ou quelques jours (réunions de famille, contenu d’une conversation, souvenirs de vacances, fait d’actualité…). La situation peut devenir inquiétante lorsque la personne ne retrouve pas l’information au moment où on l’aide à se souvenir. À l’inverse, les souvenirs anciens ou les connaissances générales sont préservés beaucoup plus longtemps.

Pertes de mémoire précoces 

Sachant qu’il n’y a pas eu d’autopsie réalisée sur le corps de Philippe Pétain (décédé en 1951) et qu’aucun dossier médical le concernant n’a été retrouvé, quels sont les indices qui ont conduit le médecin et l’historienne à penser que le maréchal était atteint de la maladie d’Alzheimer ? 

Pour étayer ses arguments, le Pr Sérot cite la période d’internement au fort de Montrouge. Interné là-bas en 1945 après son arrestation, le maréchal aurait demandé s’il était "toujours le chef de l’état".

D’autres récits historiques expliquent qu’un peu plus tard, toujours à Montrouge et après son procès qui a eu lieu en juillet et en août 1945, Pétain ne reconnaissait plus l’officier qui était en charge de le surveiller, alors même qu’il le voyait plusieurs fois par jour. Trois ans plus tard, son état se dégrade. Le Pr Sérot explique que Philippe Pétain a commencé à adopter des attitudes étranges, caractéristiques des patients atteints d’Alzheimer comme "jouer avec ses selles", "essayer d’embrasser les religieuses" ou encore "tenir des propos obscènes". 

Des symptômes qui semblaient évoluer lentement 

Mais, note Jean-Marie Sérot, le militaire avait manifesté des troubles de la mémoire bien plus tôt, dès le début des années 30 : "ses collaborateurs constatent que sa mémoire faiblit et qu'il n'assimile plus". En juillet 1942, Pétain aurait lors d'une visite à Lyon, demandé au maire : "Où sommes-nous ? Qui suis-je ? Qu'est-ce que je fais ici ?"

Autre détail qui d’après le Pr Serot ne trompe pas : le maréchal n’a présenté aucun signe pouvant altérer ses capacités motrices, à l’inverse d’une maladie neurodégénérative comme celle de Parkinson. Le fait qu’il ait gardé "un pas normal jusqu'à la fin de la guerre", prouve pour Jean-Marie Sérot, que les symptômes évoluaient lentement, comme on le voit souvent chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer. 

"L'hypothèse la plus plausible est celle d'une maladie d'Alzheimer évoluée, mais nous n'en aurons jamais la certitude du fait de l'absence d'éléments complémentaires", conclue le professeur en gériatrie. 

Comme l’a souligné Bénédicte Vergez-Chaignon, ces recherches ne visent pas à "réhabiliter le maréchal Pétain ou à revisiter l'histoire", mais simplement à "se poser des questions et y répondre".