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Souffrance à l'hôpital

Hôpital public : les conditions de travail sont très dures selon le directeur de l’AP-HP

Par le Dr Axel de Saint-Cricq

Non, Martin Hirsch, le directeur de l’Assistance Publique, ne va pas démissionner, contrairement à Nicolas Hulot… C’était une rumeur, démentie devant la commission du Sénat, qui l’a auditionné cette semaine. Il a cependant déclaré que « les conditions de travail y sont très dures ».

peterspiro/istock

Devant la commission des affaires sociales du Sénat qui l’a auditionné, Martin Hirsch, le directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a dressé un bilan de la situation de l’AP-HP qui reste sombre.

Si la réorganisation du temps de travail, entrée en vigueur en octobre 2016, semble avoir amélioré la situation des personnels (réduction de l’absentéisme, amélioration du cadre de vie …), les grandes réformes qui auraient dues être faites depuis longtemps ne l’ont pas été, la faute aux mandats trop courts de ses prédécesseurs.

Les coups de rabot budgétaires et les conditions de travail des médecins et des personnels empirent chaque année. La Commission Médicale d’Etablissement de l'AP-HP vient donc de rejeter par 48 voix sur 58 le plan global de financement 2019 -2023. Martin Hirsch n’est pas naïf et il reconnaît que « les conditions de travail à l’hôpital sont très dures ».

Une rumeur de demande de démission

Cette audition devant le Sénat survient alors que 105 médecins hospitaliers auraient appelé à sa démission dans une tribune adressée parue dans le Journal du dimanche le 1er décembre (« faites comme Nicolas Hulot »). Selon les signataires, cet appel à la démission serait justifié par les baisses constantes des effectifs hospitaliers, les coups de rabot budgétaires et la poursuite de la course à l'acte (T2A), une comptabilisation complètement inadaptée à la prise en charge des maladies chroniques, dont le nombre augmente avec le vieillissement de la population.

Selon Martin Hirsch, il s’agit d’une rumeur, « le Pr Grimaldi et 104 autres médecins me demandaient d'aller à France Inter pour pousser un coup de gueule et demander plus de moyens. Et ils n'auraient jamais demandé ma démission, même si j'en suis sûr certains la souhaiteraient ». Sa démission ne lui paraît pas utile pour l’hôpital car la durée du mandat des directeurs de l’AP-HP précédents a été trop courte, en moyenne 3 ans et 8 mois, pour pouvoir mettre en place les réformes indispensables.

Mais Martin Hirsch n’est pas homme à s’accrocher. Il fait simplement remarquer que c’est la brièveté du mandat de ses prédécesseurs (3 ans et 8 mois en moyenne) qui serait à l’origine du retard dans les réformes indispensables.

Une grosse machine qui tourne dans la douleur

L’AP-HP est une énorme structure qui regroupe de nombreux hôpitaux, à Paris, mais aussi en province, et concentre 10 % des lits d’hospitalisation en France. Elle fait désormais face à des enjeux historiques.

Après avoir cassé les CHU et la filière d’excellence de l’Internat, le premier enjeu est désormais l’attractivité des nouveaux modèles d’organisation (GHU) pour les meilleurs médecins face au privé. Après des études et une formation coûteuse et longue, nombre de jeunes médecins parmi les meilleurs préfèrent partir rejoindre le privé, en France ou à l’étranger. Les conditions de travail et les rémunération y sont nettement plus satisfaisantes.

Martin Hirsch espère que la loi santé puisse permettre de décloisonner l’hôpital par rapport à la médecine de ville et corriger ce fait (Robert Debré qu’ont-ils fait à tes CHU ?). Il est aussi revenu sur les salaires des infirmiers, trop mal payés de son propre aveu, comme les kinésithérapeutes, obligés de se mettre en libéral pour gagner leur vie, … et les autres.

Un déficit historique

L’AP-HP est en déficit, à hauteur de 200 millions d’euros et Martin Hirsch en attribue une part non négligeable aux nombreux impayés. Les procédures de rémunération de l’hôpital seraient trop longues : il faut souvent vérifier la sécurité sociale, la complémentaire et le reste à charge et cette lourdeur aboutit malgré tout à une absence de paiement fréquente.

En l’absence d’augmentation des budget alloués, il prévoit donc une stabilité de la masse salariale pendant cinq ans, ainsi qu’une réorganisation des activités et des services. De son point de vue, on aurait plutôt intérêt à avoir des grands centres médicaux spécialisés, plutôt qu’une foultitude de petits services spécialisés dispersés. Les chefs de service sont prévenus : cela ressemble fort à « se rassembler ou périr ».

Une transition digitale en devenir

Il reste aussi un gros problème sur la transition digitale. La prise des rendez-vous a été externalisée en partie (avec des résultats parfois surprenants), le contact des médecins à l’hôpital reste difficile (un appel sur cinq seulement aboutirait à l’AP-HP) et le dossier médical partagé est, de l’avis de nombreux médecins, un « objet informatique non identifié ».

Cette complexité au développement digital serait liée à la « saturation des investissements » : l’AP-HP ne peut investir que 60 millions d’euros par an quand il en faudrait 80. Martin Hirsch concède que la digitalisation laisse des personnes de côté, mais la situation ne peut que s’améliorer d’après lui.

Revenant sur sa définition du médecin heureux qui est, selon lui, celui qui s’entend bien avec son équipe, Martin Hirsch concède, qu’à l’heure actuelle, « les conditions ne sont pas réunies ». Mais il ne désespère pas car il peut travailler avec un ministre de la Santé, Agnès Buzyn, qui a « une approche pragmatique et connaît bien les sujets. »