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Infarctus du myocarde : les jeunes femmes sont plus exposées mais moins diagnostiquées

Par Charlotte Arce

Contrairement aux idées reçues, les hommes ne sont pas les seuls touchés par les maladies cardiovasculaires. Ces dernières années, l’infarctus du myocarde est devenu la première cause de mortalité chez les femmes européennes, devant le cancer du sein. 

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Selon la Société française de cardiologie, le nombre de femmes non-ménopausées touchées par un infarctus du myocarde a explosé : plus 25% ces dix dernières années.

En septembre dernier, l’organisation de recherche scientifique dévoilait des chiffres inquiétants : les femmes de moins de 50 ans ont aujourd’hui quatre fois plus de risques de mourir d’une maladie cardiovasculaire que d’un cancer du sein. Une augmentation inquiétante et fulgurante des maladies cardiaques chez les femmes, unanimement constatée par la communauté scientifique.

Dans une nouvelle étude dévoilée lors des Sessions scientifiques 2018 de l’American Heart Association (AHA) et publiée dans la revue Circulation, des chercheurs établissent eux aussi une prévalence de plus en plus importante des crises cardiaques chez les jeunes femmes.

Plus 10% d’admission à l’hôpital en 15 ans

Chercheur en cardiologie à la faculté de médecine de l'Université de Caroline du Nord, le Dr Sameer Arora a examiné avec ses collègues les données relatives de près de 29 000 personnes âgées de 35 à 74 ans et admises à l’hôpital pour un infarctus aigu du myocarde entre 1995 et 2014.

Ils ont alors constaté que la proportion de patients jeunes admis pour une crise cardiaque "augmentait régulièrement, passant de 27% entre 1995 et 1999, à 32% entre 2010 et 2014 ". Cette augmentation est particulièrement flagrante chez les jeunes femmes : elles concernaient 21% des admissions à l’hôpital au début de l’étude, contre 31% en 2014.

Comment l’expliquer ? Si les scientifiques peinent encore à exposer les raisons de cette augmentation des maladies cardiaques chez les femmes, ils notent cependant que le risque d’hypertension, de diabète et d’insuffisance rénale chronique est aussi plus élevé chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes.

Surtout, de précédents travaux ont démontré que les jeunes femmes étaient moins susceptibles que les jeunes hommes de recevoir des traitements cardiovasculaires tels que des antiplaquettaires, des bêta-bloquants, une angiographie coronaire ou une revascularisation coronaire.

Les jeunes femmes, moins bien diagnostiquées

"La maladie cardiaque est parfois considérée comme une maladie de vieillard, mais la trajectoire des crises cardiaques chez les jeunes va dans le mauvais sens [...] Elle augmente en fait pour les jeunes femmes", explique le Dr Arora, qui considère la situation comme "préoccupante". "Cela nous dit que nous devons accorder plus d’attention à cette population."

En septembre, la Société française de cardiologie avait émis le même constat, en reconnaissant un sous-diagnostic des femmes non-ménopausées et touchées par les maladies cardiovasculaires. Pendant longtemps, ces dernières n’étaient même tout simplement pas incluses dans les essais menés par la recherche scientifique.

La faute aux préjugés de genre qui ont longtemps dominé dans la médecine moderne et qui amenaient à ignorer ou minimiser la douleur des femmes. "Si un homme se plaint d’une douleur dans la poitrine, sa femme appelle le Samu, tandis que, si c’est une femme, on va lui dire d’aller se reposer. On est toutes persuadées qu’on est protégées par nos hormones…", explique Martine Giard, professeure de cardiologie au CHU de Brest et présidente de la Société française de cardiologie.

Des symptômes différents chez les femmes

"Traditionnellement, la coronaropathie est perçue comme une maladie masculine. Par conséquent, les femmes qui se présentent aux urgences avec une douleur à la poitrine ne sont peut-être pas considérées à haut risque", analyse le Dr Arora. "En outre, poursuit-il, la présentation de la crise cardiaque est différente chez les hommes et les femmes. Les femmes sont plus susceptibles de présenter des symptômes atypiques que les hommes, et leur crise cardiaque a plus de chances d'être manquée."

C’est pour cette raison qu’en 2016, la Fédération française de cardiologie a mené une campagne pour sensibiliser les femmes aux symptômes spécifiques de l’infarctus : épuisement persistant, essoufflement à l’effort et parfois au repos, nausées, difficultés à respirer.

L'organisation de recherche rappelait aussi que "chez une femme, l’infarctus ne se manifeste pas toujours comme chez un homme". "Les femmes ont tendance à sous-estimer la douleur. La plupart du temps, elles négligent ces manifestations, les associant à tort au stress, à la fatigue ou même à des problèmes digestifs", expliquait la Fédération.

D’où la nécessité de mieux se familiariser avec les symptômes de l’infarctus et les bons gestes à appliquer. "Dans 90 % des cas, un infarctus provoque une douleur dans le thorax, diffuse, qui peut remonter jusqu’au bras, au dos, à la mâchoire, associée à une grande angoisse et un essoufflement. Et, dans 8 à 10 % des cas, les patients ressentent une grande fatigue et des nausées", détaille Martine Gilard. À la moindre apparition de ces symptômes, un geste à avoir : appeler le Samu pour une prise en charge immédiate.