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Vitamines ?

Les compléments alimentaires suscitent le débat : oui aux vitamines, mais pas systématiquement

Par Dr Philippe Montereau

Le « coup de fouet » pour supporter l’hiver a bon dos ; plus de 10 millions des Français consomment des vitamines mais principalement pour maigrir, mieux vieillir, et bronzer plus rapidement.

Anita_Bonita/Epictura
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Pas un médecin n’échappe à la demande récurrente : « Docteur, que pensez-vous des vitamines pour me donner un petit coup de fouet avant l’hiver » ? Les pharmacies et les gazettes ont bien compris l’appétence suscitée par les frimas et l’obscurité. Il faut pourtant être clair : l’alimentation occidentale équilibrée, qui est la règle chez la plupart de ceux qui se plaignent, apporte exactement tout ce que le corps réclame. L’exercice physique trois fois par semaine et une exposition régulière aux rayons du soleil, même peu puissants de l’hiver, suffisent. En revanche, combien de dépressions saisonnières, de déprimes certes pas violentes, passent inaperçues et trouvent une mauvaise résolution dans ces prescriptions complaisantes ?
On trouve autant d’articles dans la littérature médicale pour glorifier les vitamines que pour les détruire.

Vitamine D et cancer

Un exemple, dans le Journal of American Medical Association, le célèbre JAMA, on trouve des preuves de l’effet préventif de la vitamine D dans le cancer du colon ; mais dans la même revue médicale, est parue une étude qui conclut que, parce que l'essentiel de la vitamine D est synthétisé par la peau sous l'effet de l'exposition au soleil, si les îles britanniques avaient le climat de la Floride, il y aurait en Grande-Bretagne 22 000 morts de moins de cette maladie par an.  

Vitamine C, ex bien-aimée

Les médecins avaient une certaine tolérance pour la vitamine C, qui passe rapidement de la bouche à nos urines sans avoir aucun effet en cas de surdosage ; moins depuis que l’on sait que si la prise se prolonge quelques mois, elle favorise les calculs rénaux, sans vraiment résoudre notre fatigue, plus vraisemblablement liée à bien autre chose : inactivité, surpoids, manque de soleil, de projets ou de loisirs… Les études sont nombreuses pour démontrer que lorsque le statut vitaminique et minéral est bon, les maladies cardiovasculaires, diabète ou cancers sont moins fréquents, mais il est évident qu’on est aussi moins malade quand on est en bonne santé générale ! Ce qui est souvent le cas des adeptes des compléments alimentaires…

Des Français sont en état de « carence »

Car le problème est plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. Contrairement à ce que pensent les médecins, les déficiences en vitamines seraient très fréquentes et toucheraient – les chiffres varient d’une étude à l’autre – pratiquement la moitié d’une population française qui peine à se nourrir sainement. Pas de famine, car les calories sont au rendez-vous de la « malbouffe » ; mais baisse de vitalité et fragilité accrue aux maladies. Tous ces malades potentiels n’ont pas plus de moyens financiers pour s’acheter des compléments alimentaires que des fruits et légumes frais qui aboutiraient au même résultat.
Seules exceptions à ce constat d’inutilité, les situations où les besoins sont supérieurs à la normale et ne peuvent être compensés par une augmentation de l’alimentation : adolescents, femmes enceintes et allaitantes, pratique du sport au moins trois fois par semaine, fumeurs, buveurs (plus de trois verres par jour) sans oublier les personnes très âgées, souvent dénutries ou qui par manque de moyens financiers, d’énergie ou tout simplement de dents, négligent leur alimentation. Ce qui fait pas mal de monde mais hélas, peu de demandes et de prescriptions.

Que répondre à la cohorte de ceux qui depuis des années consomment avec bonheur ces coups de fouets salvateurs ? Leur affirmer qu’ils ont raison, mais qu’il ne faut pas avoir honte si les circuits de la forme doivent passer par ceux de la psychiatrie, et insister pour trouver une explication médicalement plus « correcte » que celle, bien pratique, du manque de vitamines.