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USA Congrès de rhumatologie

Douleurs, insuffisance d’organe… : qu’est-ce qu’une maladie auto immune ?

Par le Dr Jean-Paul Marre

Les maladies auto immunes sont un ensemble de maladies très compliquées, prises en charge en rhumatologie, en dermatologie, en neurologie, en gastro-entérologie et en médecine interne. Elles représentent pourtant la 3ème cause de souffrance, après les affections cardio-vasculaires et les cancers : notre corps porte en son sein son propre système d’autodestruction.

Andreus/Epictura

Les rhumatologues de tous les pays du monde sont réunis depuis ce week-end à San Diégo, en Californie. Pourquoi Docteur, tout au long de la semaine, se fera l’écho des avancées essentielles qui seront dévoilées lors de ce congrès. En particulier, sur le traitement des maladies auto-immunes, à l’origine de la plupart des rhumatismes inflammatoires, comme la polyarthrite rhumatoïde qui touche 300.000 personnes en France et frappe à tous les âges de la vie, entraînant de lourdes répercussions au quotidien. C'est le rhumatisme inflammatoire le plus fréquent avec une évolution progressive, insidieuse et chronique. 

Qu’y a-t-il de commun entre de violents rhumatismes déformant les mains et les pieds, une inflammation des intestin, une myopathie et la sclérose en plaque ? Un ensemble de maladies très différentes dans leurs présentations et leurs symptômes, mais qui ont en commun le même mécanisme : l’hyperactivité anormale de leur système de défense, que l’on appelle le « système immunitaire ». Les « maladies auto-immunes », c’est en quelque sorte, les soldats de votre armée de défense qui retournent leurs armes contre leur propre camp. Une erreur de cible est en quelque sorte l’explication la plus moderne de dizaines de maladies parfois très anciennes.

Un système de défense qui « tourne casaque »

Les soldats de l’immunité s’appellent les globules blancs, les protéines de l’inflammation et les anticorps. Les globules blancs spécialisés dans la défense contre les infections, les cancers et les agents étrangers sont les lymphocytes qui sont capables « d’acquérir une cible » et de la frapper dès qu’elle apparaît. Les protéines de l’inflammation, les « interleukines » sont chargées de recruter d’autres troupes, d’autres globules blancs, quand la bataille est intense. Les anticorps sont fabriqués par certains globules blancs, les lymphocytes B, dans notre sang et servent de guetteurs. Des hordes d’anticorps circulent en permanence dans notre sang et, dès lors qu’un corps étranger pénètre dans notre organisme, la réponse est immédiate et aboutit à cerner et digérer l’intrus. Un système de lutte tellement au point qu’il existe un type d’anticorps pour chaque type d’agresseur. Si ils n’arrivent pas à gérer seul le problème, les anticorps vont alerter les lymphocytes et ceux-ci vont recruter d’autres globules blancs et amplifier la réaction inflammatoire pour mieux lutter contre les intrus.

Pourtant, parfois, et pour des raisons que l’on a encore du mal à comprendre, mais qui tiennent autant à l’hérédité qu’à l’environnement, notre système immunitaire se retourne contre une cible qui appartient depuis toujours à notre organisme, des auto-anticorps sont fabriqués et s’attaquent à cette cible bien précise, mais non prévue car appartenant normalement à l’un de nos organes. Cela déclenche une réaction auto-immune contre cet organe d’abord, puis, avec son amplification, cela va détruire une partie de notre organisme. D’où des dégâts impressionnants en quelques heures, quelques jours ou quelques mois. La disparité des maladies que ce mécanisme auto-immun provoque s’explique par la diversité des cibles qui correspondent à différents organes : articulations, peau, rein, foie, intestin, système nerveux….

Comment notre système immunitaire peut-il devenir fou ?

La première piste a été de pointer notre monde d’opulence, ces maladies étant beaucoup plus rares dans les pays pauvres : le tabagisme bien sûr, les produits chimiques et les polluants... Des facteurs génétiques aussi sont en jeu puisque de nombreuses maladies auto-immunes sont associées à un groupe tissulaire particulier (HLA). Les groupes tissulaires sont aux tissus de l'organisme ce que sont les groupes sanguins sont aux globules rouges. Enfin, les évènements de vie éprouvants, les infections virales, mais aussi le stress quotidien (plus que les traumatismes majeurs), vont influencer le fonctionnement du système immunitaire et les symptômes. Immunité, psychisme. Le champ d’investigation est vaste… Les troubles psychiatriques, en particulier la dépression, sont fréquents lors de ces maladies. On pourrait penser que souffrir d’une maladie grave rend logiquement dépressif : conséquence et non plus cause… Sauf qu’à l’inverse, une augmentation de « l’immunité naturelle », un trouble qui peut aboutir à une maladie aut-immune a été prouvée au cours des syndromes dépressifs. Il existerait même un profil commun de vulnérabilité aux maladies auto-immunes, proche d'un profil incriminé dans la survenue de certains cancers…

Comment contrôler ce désordre immunitaire ?

Face à toutes ces hypothèses plus ou moins vérifiées, la médecine peine à définir une attitude pratique. Pendant longtemps « booster » le système immunitaire était le terrain de jeu favori des médecines « naturelles » qui avaient identifié le désarroi des médecins et l’énorme marché que ces maladies supposent. Il faut être franc ! Personne ne sait aujourd’hui où est la frontière entre le charlatanisme et le bienfait des traitements homéopathiques, des cures d’oligo-éléments ou des nutriments dans ce domaine.
Mais la médecine traditionnelle a refait surface récemment avec les « biothérapies », des médicaments qui vont eux-aussi cibler certaines cellules, certains récepteurs ou certaines protéines en excès au cours de ces maladies auto-immunes. Des médicaments issus de la génétique permettent même désormais d’influer sur le fonctionnement d’un système immunitaire déréglé.

Les biothérapies ont changé la vie des malades

En 1997 et lors de l’arrivée du chef de file, les anti-TNF, en rhumatologie, la médecine n’avait pas connu une telle révolution depuis l’arrivée des anti-inflammatoires, dans les années cinquante. Les anti-TNF, qui sont des anticorps dirigés contre une des principales protéines de l’inflammation, le TNF alpha, ce sont des résultats exceptionnels, d’abord dans la polyarthrite rhumatoïde, aboutissant à ce que la maladie n’évolue plus, voire régresse. Puis d’autres affections inflammatoires délicates à traiter comme la spondylarthrite ankylosante, et le rhumatisme psoriasique. Aujourd’hui, la maladie de Crohn, le psoriasis et les autres maladies auto-immunes. Désormais, ce sont des dizaines de biothérapies qui ont été développées pour des dizaines de maladies auto-immunes touchant les articulations, mais aussi la peau, l’intestin, le rein…

Seul bémol, le coût de ces nouveaux traitements, même si la concurrence entre les laboratoires pharmaceutiques les fait baisser. Théoriquement, ce sont des traitements à très long terme qu’il n’est pas toujours possible d’interrompre… Mais il semble que l’utilisation plus précoce puisse réduire significativement la durée de prescription. Enfin le soulagement d’une maladie doit être évalué économiquement en termes de réduction des arrêts de travail, des hospitalisations et des handicaps. Un calcul qui lorsqu’il est effectué démontre une réduction de l’impact des maladies auto-immune, non seulement sur les souffrances de malades, mais aussi sur les conséquences pour la société de ces maladies.

 

Pour en savoir plus

http://www.polyarthrite.org/