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Journée mondiale

Tuberculose : un cas sur cinq résiste à un antibiotique

Par Audrey Vaugrente

1,8 million de cas de tuberculose ont été mortels en 2015. Les formes résistantes, toujours plus fréquentes, participent à cette mortalité élevée.

Pan American Health Organization/Flickr
La tuberculose tue plus que les autres maladies infectieuses, y compris le VIH. En 2015, 1,8 million de décès sont attribués à l’infection. 60 % se concentrent dans 6 pays (Inde, Indonésie, Chine, Nigéria, Pakistan, Afrique du Sud).
En 2015, 480 000 cas multi-résistants ont été diagnostiqués, dont 60 % étaient considérés comme ultra-résistants. Ce diagnostic augmente considérablement le risque de décès.
Le repérage précoce des patients est crucial. 95,9 % des nouveaux cas multi-résistants sont dus à une transmission entre humains.

Frédéric Chopin, Anton Tchekov et les sœurs Brontë, comme beaucoup de leurs contemporains, en sont morts. Pourtant, la tuberculose n'est pas une maladie du XIXe siècle ; elle tue toujours. En 2015, l’infection a provoqué la mort de 1,8 million de personnes. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) s'est fixée comme objectif de l’éradiquer en 2025. Mais les formes résistantes de la maladie menacent cet objectif. A l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre la tuberculose, ce 24 mars, des spécialistes du monde entier se montrent plutôt pessimistes. Si les comportements ne changent pas, l’épidémie pourrait reprendre à un rythme accéléré, alertent-ils dans The Lancet Respiratory Medicine.

Un traitement long mais essentiel

A l’heure actuelle, un cas de tuberculose sur cinq résiste à au moins un antibiotique majeur. Plus inquiétant : 5 % sont dits multi-résistants ou ultra-résistants, c’est-à-dire qu’ils parviennent à survivre aux antibiotiques de première ligne, ainsi qu’aux traitements injectables. L’inquiétude est pour le moins justifiée.

« La résistance à un des deux antituberculeux majeurs a un impact négatif sur le devenir du malade », expliquait récemment à Pourquoidocteur le Pr Jérôme Robert, chercheur au Centre national de référence des Mycobactéries et de la Résistance des Mycobactéries aux Antituberculeux (CNR-MyRMA). De fait, la mortalité associée aux cas multi-résistants et ultra-résistants est respectivement de 40 et 60 % dans le monde.


La tuberculose est déjà une maladie difficile à traiter. En présence d’une mycobactérie standard, plusieurs mois de traitement sont nécessaires. L’émergence de résistances complique encore la tâche des médecins.

« Quand une résistance se développe, le traitement peut prendre des années et les médicaments ont des effets secondaires désagréables, parfois graves, souligne le Pr Keertan Dheda, de l’université du Cap (Afrique du Sud). Le taux de guérison d’une tuberculose résistante est faible, et les patients peuvent rester contagieux. »

Arrêter la transmission

De nouvelles molécules sont bien apparues sur le marché. Bédaquiline, delamanid, linézolide : voilà le nom des médicaments qui permettent de lutter contre les formes les plus coriaces de tuberculose. Mais eux aussi sont menacés par la résistance. La faute à des prescriptions pas forcément bien établies et des patients peu observants. Or, l’arrêt précoce d’un traitement ne pardonne pas.

La mycobactérie n’est pas éliminée et les souches restantes apprennent à se défendre contre l’antibiotique. Elles deviennent résistantes. Comme le patient est toujours contagieux, cette souche se propage… et l’antibiorésistance avec. Ainsi, 95,9 % des nouveaux cas multi-résistants sont liés à une transmission entre humains.

L’autre nerf de la guerre, c’est le diagnostic. Sans tests suffisamment précis pour moduler l’approche thérapeutique, les prescriptions peuvent – involontairement – favoriser les résistances. « De meilleurs tests diagnostiques sont en développement, mais il faudra un effort massif pour améliorer leur précision, les utiliser en recherche active de cas dans une communauté, et les rendre disponibles dans les pays défavorisés », estime le Pr Dheda.

C’est le nœud du problème : traitements et outils diagnostiques novateurs sont coûteux. Les patients qui en ont le plus besoin, dans les pays à faibles et moyens revenus, n’y ont donc pas accès.

 

Coalition PLUS appelle à une taxe sur les transactions financières

Mettons fin aux épidémies de tuberculose et de VIH d’ici 2030. C’est, en substance, l’esprit de l’appel de Coalition PLUS et son membre français AIDES. Les associations demandent la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne. « Selon la Commission européenne, cette taxe pourrait générer jusqu’à 22 milliards d’euros par an », explique Coalition PLUS dans un communiqué.

Une somme qui permettrait de financer la recherche contre la tuberculose et le VIH, mais surtout d’organiser la lutte contre ces maladies dans les pays défavorisés. « Face à ces pandémies qui touchent surtout les pays pauvres, les financements restent insuffisants », déplore Hakima Himmich, présidente de Coalition PLUS. La lutte contre le VIH en profitera aussi puisqu’en 2015, un tiers des décès de patients séropositifs étaient dus à la tuberculose.