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Chez les enfants

La précarité alimentaire peut conduire à l'hyperactivité

Par Cécile Coumau

Avec la crise, les Français serrent leur budget alimentation. Cette précarité alimentaire multiplierait par trois le risque que les enfants souffrent d'hyperactivité ou d'inattention.

WITT/SIPA

Une petite fille de cinq ans expulsée de la cantine et emmenée au poste de police parce que ses parents ne pouvaient pas payer… Ce fait-divers a choqué la France entière. Mais, il illustre aussi un phénomène incontestable : en temps de crise, le budget alimentation est souvent mis au régime. Le Credoc l’a constaté : 2008 a marqué une rupture. La baisse du pouvoir d’achat a fait chuter la consommation alimentaire de 2,2%. Par ailleurs, cette année, le nombre d’inscrits aux Restos du cœur a fait un bond de 10%.

Les conséquences de ces restrictions sont déjà sensibles. Plusieurs études ont établi un lien entre précarité et obésité. Mais, aujourd’hui, l’Inserm va plus loin. Il y aurait un lien entre la précarité alimentaire et les troubles du comportement chez les enfants. Selon une étude franco-canadienne publiée dans la revue Plos One, un enfant qui a vécu dans la précarité alimentaire entre 18 mois et 4 ans a trois fois plus de risque d’avoir des symptômes d’hyperactivité et/ou d’inattention entre 4 et 8 ans. En fait, on avait déjà constaté que les enfants dans ces situations d’insécurité alimentaire avaient plus de mal à se concentrer, à rester assis à l’école, etc. Mais, là, on découvre que les conséquences sont à long terme.

Selon l’Inserm, pas moins de 10% des Français souffrent « d’insécurité alimentaire ». Non seulement, ils ont un accès limité à l’alimentation, mais aussi irrégulier et la nourriture est moins saine. Cependant, ces familles font face à de multiples problèmes au quotidien qui peuvent aussi expliquer le développement de troubles du comportement chez les enfants.


Ecoutez Maria Melchior, chercheur à l’Inserm : "Même si l’on élimine tous ces facteurs, l’insécurité alimentaire reste bien liée aux troubles du comportement chez les enfants. »



Selon les auteurs de l’étude parue dans Plos One, deux hypothèses peuvent expliquer ce lien. Premièrement, « l’incapacité des parents à s’occuper de façon régulière et satisfaisante de l’alimentation de la famille pourrait fragiliser le lien parents-enfants. » Ce qui laisserait des séquelles.


Ecoutez Maria Melchior :
"Cette situation a un effet négatif sur le lien entre les enfants et les parents".



Deuxième explication possible : la précarité conduit les familles à consommer des aliments plus riches en graisses et en sucre. Des carences en fer apparaissent parfois. Ce qui pourrait être à l’origine des problèmes d’inattention et d’hyperactivité.


Ecoutez Bruno Falissard
, pédopsychiatre co-auteur de l’étude : "Ce lien entre alimentation et hyperactivité était jusqu’à il y a peu de temps « très fumeux, personne n’y croyait ! Jusqu'à une grande enquête du Lancet...».


Une étude parue dans le Lancet en janvier 2011 a montré que les symptômes d’hyperactivité diminuaient chez les ¾ des enfants qui suivaient un régime surtout composé d'eau, de viande blanche et de légumes.

Mais, l’insécurité alimentaire a bien évidemment des conséquences plus immédiates. En juin dernier, l'Agence de sécurité alimentaire britannique a tiré la sonnette d’alarme. « Plus les budgets sont serrés, plus la prise de risque alimentaire augmente. » Une étude menée auprès de 2000 personnes a révélé qu’un tiers d’entre elles se fiaient à l’odeur et à l’aspect des aliments pour juger de leur fraîcheur, et ignoraient la date limite de consommation. « Mais, les germes tels qu’E. coli ou les salmonelles n’ont pas d’odeur, même quand elles ont atteint un niveau dangereux, prévient Bob Martin, un expert de sécurité alimentaire de l’agence britannique.
La moitié des personnes interrogées dans cette enquête ont aussi déclaré qu’elles essayaient de faire un meilleur usage des restes. A l’heure où chaque Français jette en moyenne 7 kg de produits encore emballés, non entamés, cela peut être considéré comme une bonne nouvelle. Cependant, l’expert britannique se montre plus circonspect : « A moins d’être très vigilant, il y a un vrai risque d’intoxication alimentaire ». Et l’Agence de rappeler que les restes doivent absolument être mis au réfrigérateur dans les 90 minutes après avoir été cuits, recouverts d’un film alimentaire et consommés dans les 48 h.