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Après une amputation

Douleurs fantômes : une interface cerveau-machine permet de les réduire

Par Audrey Vaugrente

Dix patients amputés et souffrant de douleurs fantômes ont vu leurs souffrances s'apaiser grâce à entraînement innovant utilisant un bras robotique.

groucho/Flickr

La sensation est comparable à celle d’une brûlure ou une hypersensibilité. Mais aucun membre n’est rattaché à cet inconfort. C’est ce qu’on appelle une douleur fantôme. Parmi les personnes amputées, 50 à 80 % en souffrent. Le mécanisme cérébral à l’œuvre a été mis au jour par deux équipes, des universités d’Osaka (Japon) et de Cambridge (Royaume-Uni). Elles publient leurs conclusions dans Nature Communications et esquissent une piste de traitement de cette douleur.

Agir sur le bras opposé

L’étude s’appuie sur une interface cerveau-machine, qui décode l’activité neuronale pour bouger une main prosthétique. Pour cela l’utilisateur doit penser à bouger sa main manquante. Mais les chercheurs ont constaté que cette approche était contre-productive chez les 10 patients inclus dans le protocole. « Plus leur bras amputé répondait bien à l’usage du bras robotique, plus ils souffraient, explique Takufumi Yanagisawa, premier auteur de l’étude. La zone motrice du cerveau fonctionne correctement, mais elle n’obtient pas de retour sensoriel, il y a un décalage. »

La technique a donc été modifiée en fonction de ces paramètres. Les volontaires ont été invités à reproduire l’expérience. Mais cette fois, ils devaient associer le mouvement à la main toujours en place. Par exemple, si le bras gauche manque, le participant doit s’entraîner à bouger le bras prosthétique en s’imaginant bouger le bras droit. Une approche contre-intuitive mais efficace : les patients souffraient moins.

La plasticité du cerveau

Ce phénomène s’explique par l’impact de l’amputation sur le cerveau. Les mécanismes associés aux sensations et au mouvement sont perturbés. En réorganisant cela, la douleur recule. La technique présente en plus l’avantage de tirer parti de la plasticité du cerveau. Jusqu’ici, les spécialistes pensaient que les douleurs fantômes étaient liées à un mauvais raccord dans le cortex sensorimoteur, la zone responsable des influx sensoriels et de l’exécution du mouvement.

La portée de ces travaux est potentiellement très large.Les chercheurs envisagent une application dans d’autres pathologies qui induisent des douleurs chroniques, l’arthrite par exemple. Il faudra toutefois se montrer patient : l’équipe n’envisage pas d’utilisation généralisée avant 5 ou 10 ans.