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Première Guerre mondiale

Les enfants des poilus ont perdu un an d'espérance de vie

Par Julian Prial

Selon une étude, les enfants dont les pères ont été tués ou gravement blessés lors de la Première Guerre mondiale ont perdu entre une et deux années d'espérance de vie.

WITT/CHAMUSSY/SIPA
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Les dommages collatéraux de la Première Guerre mondiale persistent. Les enfants des 9,7 millions de militaires morts au combat s'en rappellent encore. Surtout ceux des célèbres Poilus, les soldats français de la Grande Guerre (1914-1918).

En effet, d'après des scientifiques de l'Hôpital du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne), les enfants français nés entre 1914 et 1916 dont les pères ont été tués ou gravement blessés au front ont vu leur espérance de vie écourtée, selon une étude (1) présentée lundi au 55ème congrès annuel de la Société européenne d'endocrinologie pédiatrique (Paris). 
Pour parvenir à cette conclusion, ces chercheurs de l'Inserm ont passé à la loupe des dizaines de registres nationaux de naissance parisiens et bordelais. Ils ont ainsi recensé 4 170 enfants nés entre 1914 et 1916.

Jusqu'à 2,2 ans d'espérance de vie en moins

Tous avaient en commun d'être reconnus par l'Etat comme des « pupilles de la nation », leurs pères ayant été tués ou blessés gravement sur le front. Deux situations induisant un stress psychologique majeur pour la mère. L'équipe française a croisé ces données avec une base comprenant les noms de 1,4 million de « poilus » morts dans les tranchées afin de savoir si leurs disparitions étaient intervenues avant ou après la naissance. Enfin, ils ont également recoupé les naissances les plus proches de celles des pupilles dans les registres et qui présentaient un profil similaire (même sexe, même lieu de naissance, même âge de la mère).

Et les résultats sont sans appel. Les enfants déclarés pupilles de la nation ont vécu en moyenne 1,1 année de moins que les non-pupilles. L'écart le plus important concernait les enfants ayant perdu leur père avant de naître, eux avaient une espérance de vie diminuée de 2,2 ans par rapport aux non-pupilles associés.

« Ces résultats suggèrent fortement que chez l'homme, le stress maternel psychologique est transmis au fœtus et qu'il peut agir sur leur mortalité », explique Nicolas Todd, chercheur dans l'unité Inserm qui a mené l'étude.

Des conclusions qui se précisent 

Une hypothèse que Nicolas Todd veut confirmer. « La prochaine étape de l'étude sera de déterminer la cause de la mort de ces 4 170 pupilles de la nation, afin de faire la lumière sur les mécanismes impliqués », poursuit l'épidémiologiste.

Pour rappel, ces travaux ne sont pas les premiers à faire un lien entre le stress prénatal et les conséquences néfastes à l'âge adulte. Une étude sur des rats ayant subi un stress in utero a montré qu'à l'âge adulte, ces espèces présentaient des troubles des apprentissages ou des comportements dépressifs ou anxieux.

Même inquiétude chez l'homme, où quelques études ont mis en évidence que les enfants touchés durant le deuxième trimestre de la grossesse de leur mère par un épisode de famine (aux Pays-Bas en 1944 ou en Chine en 1959) ou un épisode traumatique (en Israël lors de la guerre des Six Jours) avaient un risque augmenté de développer de la schizophrénie à l'âge adulte.

(1) Etude française conduite par Nicolas Todd et Alain-Jacques Valleron (Inserm) et le pédiatre et endocrinologue Pierre Bougnères (hôpital Bicêtre/AP-HP, région parisienne)