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The Lancet

Cholestérol : les bénéfices des statines confirmés

Par Anne-Laure Lebrun

Après analyse de 30 ans d'articles scientifiques, des chercheurs affirment que les bénéfices des statines ont été sous-estimés et les effets secondaires exagérés. 

rogerashford/epictura

Au cours de ces dernières années, les statines sont devenues une classe médicamenteuse décriée. A tel point que les patients ne savent plus qui croire et quoi penser de ces molécules utilisées pour faire baisser le taux de cholestérol.
Des médecins britanniques ont alors voulu démêler le vrai du faux en analysant toutes les études parues sur le sujet depuis une trentaine d’années. Une méta-analyse publiée ce jeudi dans The Lancet.

Après voir épluché tous ces travaux, les chercheurs affirment que les bénéfices de ce traitement ont été sous-estimés alors que ces effets indésirables ont été exagérés. Ils montrent, en effet, qu’une diminution de 2mmol de mauvais cholestérol par litre de sang, grâce aux statines pendant 5 ans chez 10 000 patients, permet de prévenir la survenue d’infarctus, d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou encore l’obstruction d’une artère coronaire chez 1 000 patients ayant déjà été victimes d’un accident cardiovasculaire. Un résultat confirmant l’efficacité des statines en prévention secondaire.

En outre, les statines permettraient d’éviter ces accidents cardiovasculaires chez 500 patients à haut risque cardiovasculaire (diabétiques, hypertendus), démontrant l’efficacité de ces molécules en prévention primaire chez des personnes à risque.
Chaque réduction d’1mmol/L de LDL cholestérol diminue de 25 % le risque de décéder d’une pathologie coronaire, d’une crise cardiaque ou d’un AVC.


Des effets indésirables sur-estimés

Du côté des effets indésirables, les scientifiques britanniques révèlent que les effets secondaires liés aux traitements sont légers et transitoires. Ils notent toutefois des exceptions : sur 10 000 patients traités pendant 5 ans, 5 cas de myopathie (atteintes musculaires) ont été observés, entre 5 et 10 personnes seront victimes d’un AVC hémorragique, entre 50 et 100 patients développeront un diabète et autant se plaindront de douleurs musculaires.

« Notre étude montre que le nombre de personnes qui ont évité une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral (AVC) en prenant des statines sont beaucoup plus nombreux que ceux ayant souffert d’effets secondaires, explique le Pr Rory Collins de l’université d’Oxford, le principal auteur. Et tandis que la plupart des effets indésirables sont réversibles en arrêtant les statines, les effets de l’infarctus ou de l’AVC, qui sont eux irréversibles, peuvent être dévastateurs. En conséquence, les affirmations trompeuses autour des effets indésirables des statines ont dissuadé les patients de suivre leur traitement, en dépit des bénéfices démontrés, ce qui a pesé lourd sur les dépenses de santé »


Hausse de l'arrêt des traitements en France

Un avis que partage le Pr Nicholas Moore, chef du département Pharmacologie au CHU de Bordeaux. Il travaille depuis plusieurs années sur les conséquences des polémiques autour des statines, notamment créées par le livre de Philippe Even La Vérité sur le cholestérol  en 2013. Son équipe s’est surtout attelée à mesurer la proportion de patients interrompant leur traitement.
Selon ses derniers travaux parus dans Archives of Cardiovascular Diseases, le taux d'arrêt des statines était de 8,5 % en 2012, contre 11,9 % en 2013, soit une hausse de 40 %. Une augmentation qui semble varier selon la sévérité de la maladie : les moins à risques sont plus enclins à arrêter leur traitement que les patients ayant déjà fait un infarctus ou un AVC.

Dans le même temps, une hausse de la mortalité a également été observée : plus de 9 000 morts supplémentaires au niveau national. Mais les chercheurs ne peuvent pas confirmer de lien de causalité.
Reste que le Pr Moore, qui n’était pas un grand défenseur des statines au départ, défend aujourd’hui ce médicament chez les patients à haut risque. « Chez ceux qui n’ont pas de facteurs de risque cardiovasculaire, l’arrêt des statines n’a pas eu d’effet, ce qui signifie que l’utilisation de ce médicament en prévention primaire chez ces patients n’est pas utile, explique-t-il à Pourquoidocteur. En revanche, dire aux patients qui ont été victimes d’un infarctus que les statines sont inutiles est criminel ».