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Neurosciences

Des chercheurs ont localisé notre voix intérieure

Par Afsané Sabouhi

Notre cerveau perçoit notre petite voix intérieure comme celle d’un autre interlocuteur. Cette découverte d’une équipe lyonnaise permet d’envisager des techniques de rééducation en cas de schizophrénie.

Jean Philippe Lachaux/Inserm

S’ils avaient su, les Anglais auraient peut-être épargné le bûcher à Jeanne d’Arc. Une équipe du Centre de recherche en Neurosciences de Lyon vient de mettre en évidence que notre petite voix intérieure dupe totalement notre cerveau. D’après leurs résultats publiés dans le Journal of Neuroscience, le cerveau réagit exactement de la même façon à ce que nous nous disons dans notre tête et à la voix d’un autre interlocuteur bien réel.

Pour mettre en évidence ces impressions sonores trompeuses pour le cerveau, les chercheurs lyonnais ont travaillé avec des patients du CHU de Grenoble atteints d’une forme sévère d’épilepsie. Pour le traitement et le suivi de leur maladie, ces patients vivent avec des électrodes implantées dans leur cerveau. Ce sont ces électrodes que l’équipe lyonnaise a utilisé pour enregistrer précisément et sur une longue durée l’activité électrique cérébrale. Dans un premier temps, ils ont identifié quelles zones cérébrales devenaient actives lorsque ces personnes épileptiques entendaient quelqu’un parler. Puis les chercheurs leur ont demandé de se livrer à un exercice de lecture silencieuse, situation typique où nous entendons notre petite voix intérieure, et là, ce sont exactement les mêmes aires auditives, localisées dans le cortex, qui se sont activées.

Ecoutez Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche au Centre de recherche en neurosciences de Lyon : «  Il y a un court-circuit entre les aires auditives et les aires de production sonore »



A priori, nous entendons tous des voix, surtout la nôtre, lorsque nous lisons en silence, mais aussi lorsque que nous rédigeons un texte ou que nous réalisons subitement avoir oublié nos clés. Mais dans certaines pathologies, ces petites voix peuvent devenir très envahissantes. C’est le cas des malades schizophrènes mais aussi des personnes dépressives auxquelles leur petite voix intérieure rumine des pensées négatives. Identifier plus précisément comment le cerveau créé cette petite voix interne et l’interprète permet d’envisager des outils de rééducation pour apprendre à l’ignorer lorsqu’elle devient trop encombrante ou simplement lorsqu’elle empêche de se concentrer.

« L’idée d’aller décoder cette petite voix interne pour savoir à quoi les gens pensent reste de l’ordre du fantasme », assure Jean-Philippe Lachaux. En revanche, à moyen terme, les recherches de son équipe pourraient se trouver appliquées dans les interfaces cerveau-machine. « On est déjà capable de piloter un bras de robot en pensant à un mouvement, explique le spécialiste. Là, on pourrait imaginer commander notre ordinateur juste en écoutant notre petite voix intérieure. » Et dire que Steve Jobs va rater ça !