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Etats-Unis

La santé: le piège du second mandat de Barack Obama

Par Philippe Berrebi avec Cécile Coumau et Cécile Coumau

Elle a été déterminante pour sa première élection, la réforme du système de santé que doit ête mettre en place Barack Obama est très attendue par le peuple... et les conservateurs.

Chris Carlson/AP/SIPA

Barack Obama a sans doute gagné son deuxième ticket pour la Maison Blanche le 28 juin 2012. Et il s'en est fallu d'une voix. Ce jour là, la Cour suprême des Etats-Unis a adopté par cinq voix contre quatre sa réforme du sytème de santé. Quatre ans plus tôt, lors de sa première campagne électorale, le candidat avait fait la promesse de donner une couverture maladie aux 32 millions d'Américains exclus des soins. Selon un sondage réalisé à l'époque par l'université du Michigan, 61 % des électeurs démocrates confiaient que les questions de santé détermineraient leur vote. Et d'une manière générale, l'attente du peuple américain en la matière était forte. Au palmarès de leurs préoccupations, la santé arrivait en troisième position derrière la crise économique et la guerre en Irak. Rien d'étonnant à cela quand on sait qu'en 2004, 54 % des faillites personnelles étaient dues à des factures médicales !

Mais paradoxalement, cette belle victoire obtenue avec "l'Afforable Care Act" a failli se retourner contre lui durant sa course à lé réélection. Trop fédéral, trop cher trop redistributif, Mitt Romney a trouvé des arguments chocs pour dénoncer "l'Obamacare". L'attaque a fait mouche tant le pays a du mal à se redresser sur le plan économique.
Surtout que le système de santé américain est parmi les plus chers du monde, 17% du PIB  (10% en moyenne pour les pays de l'OCDE). Et malgrè les 7000 dollars que chaque habitant lui consacre tous les ans, la qualité des soins laisse à désirer. La plus puissante nation au monde se situe au 27e rang mondial pour la mortalité infantile et au 23e pour l'espérance de vie à la naissance. Résultat : les Etats-Unis occupent la 37e position au classement des systèmes de santé les plus performants établi par l'OMS.



La réforme du système de santé sera pleinement efficiente en 2014. Mais d'ici là, l'administration Obama, va devoir se battre sur trois fronts. 

Financer le système en luttant contre le gaspillage. Selon les estimations, 50 à 100 milliards de dollars partent en fumée à cause de gaspillages et d'une mauvaise qualité des soins. Le président américain veut informatiser le système de santé avec la création d'un dossier médical électronique, développer la prescription des génériques et rendre obligatoires les programmes de « disease management » pour les malades chroniques. Durant son premier mandat, l'ex-sénateur de l'Illinois avait la ferme intention d'autoriser la réimportation de médicaments à partir d'autres pays développés. Et ce pour la bonne et simple raison qu'en l'absence de toute régulation, les prix des médicaments sont 67 % plus chers aux Etats-Unis qu'en Europe ou au Canada.

Soulager les médecins de la pression judiciaire
. Observer à la loupe les différents contrats proposés par les organismes d'assurance est le sport national des médecins libéraux américains. « J'ai signé une douzaine de contrats, témoignait en 2008  le Dr Colette Gordon, médecin généraliste à Chicago. C'est un système compliqué. Pour une consultation basique, le tarif peut varier entre 35 et 55 dollars. A l'intérieur d'un même organisme, comme la Blue Cross Blue Shield, il existe 5 ou 6 plans différents, soit autant de variantes de remboursement. » Sans oublier que les sommes avancées par les patients varient en fonction des contrats. « Heureusement le « co pay » est écrit noir sur blanc sur leur carte d'assurance, soupire le Dr Gordon, qui partage avec un collègue les frais d'une secrétaire dédiée à ces questions administratives.

Outre- Atlantique, les médecins de ville sont moins d'un tiers à exercer seuls.  Ils ont tendance à se rassembler en cabinet de groupe pour partager leurs frais fixes et proposer plus de services aux patients.  La crainte des procès les poussent aussi à travailler à plusieurs. « Nous pratiquons une médecine défensive, avouait  le Dr Gordon. Si je reçois un patient qui a une migraine, je lui prescris systématiquement un scanner pour me couvrir. » La crainte des procès pousse les assureurs à augmenter les primes. « La mienne coûte 35 000 dollars par an », témoignait le Dr Colette Gordon. Elles peuvent s'élever à plus de 100 000 dollars en fonction des spécialités. Pour limiter cette hausse des primes d'assurance qui pèse sur les médecins, Barack Obama a souhaité encourager la déclaration des erreurs médicales tout en protégeant les médecins des recours en responsabilité professionnelle.



Développer une culture des bonnes pratiques Le gros point noir du système américain reste la qualité des soins. Bénéficiant des dernières technologies, comme celle de l'imagerie de pointe (26, 6 unités d'IRM par million d'Américains contre 3, 2 unités en France), le système reste pourtant « inefficient », selon l'Institute of medecine. Le taux de mortalité infantile est de 5 pour 1000 en 2006, et chez les Noirs américains, il atteint 9 pour 1000.
Les 700 000 médecins en activité en 2008 aux Etats-Unis devaient renouveler leur licence en justifiant de séances de formation, de lecture de publications, de formation par Internet. Une étude américaine a montré que les référentiels de bonnes pratiques sont pratiqués en ville dans seulement 55 % des cas.  Barack Obama a proposé la création d'un « institut des bonnes pratiques » (Best Practices Institute) chargé d'éclairer les choix des assurances et des patients. Une manière de contraindre indirectement les médecins à respecter des standards qui ne devrait pas non plus faire plaisir aux médecins américains.