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Emmanuelle Charpentier : une chercheuse française sur le chemin du Nobel

Par Stéphany Gardier

Leur histoire fera date dans le monde des sciences. La Française, Emmanuelle Charpentier, et l’Américaine Jennifer Doudna sont en train d’imprimer leur marque dans des centaines de laboratoires du monde entier. Leur découverte, publiée il y a moins de 4 ans, a déjà révolutionné la génétique. Pour la mise au point de la méthode Crispr-Cas9, elles ont déjà reçu plus d’une trentaine de prix. Ce jeudi, c’est la fondation L’Oréal-Unesco « Pour les femmes et la science » qui les honorera, l’occasion pour les médias de revenir sur cette technique de manipulation génétique au nom imprononçable, qui nourrit à la fois de nombreux espoirs thérapeutiques, mais tout autant de craintes éthiques.

 

C’est une découverte majeure pour les scientifiques mais qui est arrivée, si ce n’est par hasard, au détour de recherches qui n’étaient pas centrées sur l’édition de gènes. Comme le raconte Emmanuelle Charpentier à Pauline Fréour dans le Figaro, elle travaillait sur les mécanismes de défenses des bactéries contre les virus quand elle a découvert ce mécanisme de modification du génome. La technique qui met en émoi la communauté scientifique depuis 4 ans n’est pas une « invention », mais bel et bien l’adaptation d’une méthode utilisée par des organismes aussi simples que les bactéries, pour simplement se protéger.

Emmanuelle Charpentier, aujourd’hui directrice de l’Institut Max Planck à Berlin, travaillait encore en Suède, en 2009 quand l’aventure a commencé. Car si elle est française, la chercheuse a réalisé la quasi totalité de sa brillante carrière loin de l’Hexagone. A l’époque, elle entame une collaboration avec Jennifer Doudna, de l’université californienne de Berkeley. A peine quatre ans plus tard, il se murmure déjà que les deux scientifiques seraient en bonne voie pour décrocher un prix Nobel. Du jamais vu en un temps aussi court. « Pour nous c’est époustouflant, confie Jennifer Doudna au Monde. Le système que nous avons décrit est utilisé par tous les laboratoires de génétique. C’est assez inhabituel qu’une technologie perce à cette vitesse. »

 Première publication : le 23 mars  2016

L’édition de gènes mise au point à partir de ce qu’elles avaient observé chez les bactéries a déjà des applications concrètes, plantes modifiées génétiquement, ou modèles animaux de maladies humaines. Car l’objectif de beaucoup de laboratoires est aujourd’hui la thérapie génique. La technique est simple, peu coûteuse et aujourd’hui le séquençage de l’ADN ne pose plus de problème : tout semble réuni pour enfin concrétiser les rêves que nourrissent de nombreux généticiens depuis des décennies.

 

Mais Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna, si elles se réjouissent de leurs avancées, appellent aussi à raison garder. Tout est allé très vite, mais les deux scientifiques le savent, le temps de la recherche est long, et elles estiment qu’elles ont encore un long chemin à parcourir avant que des applications cliniques soient crédibles.

 

La modification d’embryons humains est une aussi application possible dans le futur pour Crispr-Cas9. Déjà en 2015, des travaux chinois avaient ému la communauté scientifique. L’essai mené sur des embryons non viables avait été un échec, mais il confirmait que, déjà, des scientifiques avaient passé la ligne rouge. Jennifer Doudna est formelle, « Il est trop tôt pour éditer génétiquement des humains ». Mais les deux chercheuses sont conscientes qu’elles n’ont aucun pouvoir pour empêcher de possibles dérives ; elles comptent sur l’éthique de leurs collègues, et espèrent que les recherches menées grâce à Crispr-Cas 9 se feront en toute transparence.