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Recommandation temporaire d’utilisation

Sida : l’ANSM émet un avis favorable au Truvada en prévention

Par Audrey Vaugrente

L’Agence de sécurité du médicament dit oui au Truvada. Cet antirétroviral devrait être bientôt utilisé en prévention d’une infection par le VIH chez les personnes à risque.

Jeff Chiu/AP/SIPA

Avis favorable pour la prévention médicamenteuse du VIH en faveur des populations qui ont des conduites à risque. L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), contactée par Pourquoidocteur, va « prochainement » statuer dans ce sens. La dernière réunion du Comité scientifique spécialisé temporaire s’est achevée le 29 octobre par un accord sur le principe de la prophylaxie pré-exposition (PrEP). Le Truvada (emtricitabine/tenofovir), dont le dossier est en examen depuis octobre 2013, devrait bientôt recevoir sa recommandation temporaire d’utilisation (RTU).

Une période contradictoire – durant laquelle le laboratoire Gilead, qui commercialise le Truvada – doit encore être respectée avant l’avis définitif de l’ANSM. Mais tous les signaux sont au vert : dans un rapport remis en octobre à la ministre de la Santé, Marisol Touraine, le Pr Philippe Morlat plaide en faveur de la PrEP.
Les réunions successives du Comité scientifique spécialisé temporaire sont elles aussi sans conteste positives. La dynamique est telle que, selon une journaliste de l’Agence de Presse Médicale (APM), Gilead devrait demander une extension de l’autorisation de mise sur le marché du Truvada en Europe début 2016. Car aux Etats-Unis, elle est en vigueur depuis 2012.

La PrEP, comment ça marche  ?

La prophylaxie pré-exposition (PrEP), dans le VIH, est une approche qui vise à prévenir l’infection par la prise de médicaments. Elle vient compléter les techniques déjà disponibles, comme le port du préservatif. Le traitement antirétroviral – le Truvada – permet de bloquer le cycle de multiplication du virus, ce qui l’empêche d’infecter l’organisme.

Deux stratégies de PrEP existent. La première, utilisée aux Etats-Unis depuis 2012, consiste en une prise quotidienne d’un comprimé de Truvada (emtricitabine/ténofovir). L’autre, qui a fait l’objet d’essais cliniques en France, est une PrEP « à la demande » : les participants prennent deux comprimés deux heures avant un rapport sexuel à risque, un comprimé 24 heures après et un dernier 48 heures après. D’autres approches, qui ne devraient pas être disponibles dans l'immédiat, sont en cours d’évaluation, comme des gels préventifs destinés à un usage vaginal ou rectal ou encore des contraceptifs.

 

Des populations à risque

La principale population cible de la PrEP sera celle des hommes qui ont des relations sexuelles avec les hommes (HSH). C’est à la fois celle pour qui le rapport bénéfice/risque est le mieux documenté et où le plus grand nombre d’études a été mené. En France et au Royaume-Uni, les essais IPERGAY et PROUD ont permis de montrer l’intérêt d’une telle approche pour prévenir la transmission du VIH, notamment par des pénétrations anales non protégées.

Les couples hétérosexuels séro-différents pourraient aussi être concernés par la PrEP. Le groupe de travail évoque notamment le cas d’un désir de conception et d’un accès difficile à la procréation médicalement assistée, mais aussi les situations à haut risque chez les personnes nées en Afrique subsaharienne ou vivant en Guyane. Vient enfin le délicat sujet des consommateurs de drogues injectables et du partage des seringues. Cette population est à risque élevé, ce qui pourrait la placer dans les indications du Truvada en prévention.

Anticiper les cas de résistance

La prescription initiale devrait être limitée, au moins dans un premier temps, aux médecins hospitaliers. « Il semble nécessaire de réserver au mieux l’appréciation du niveau de risque individuel à des praticiens habitués à la prescription des antirétroviraux et de limiter la prescription au milieu hospitalier », explique le Comité dans son dernier compte-rendu.
Mais l’objectif est bien d’atteindre une population jusqu’ici assez isolée du point de vue des traitements. Le groupe de travail a donc souligné, à plusieurs reprises, la nécessité de consacrer du temps à la consultation initiale, et de ne pas la limiter au seul sujet de la PrEP.

Le Truvada ne sera pas indiqué à toutes les personnes à risque. Les personnes en cours de séroconversion ou dont le statut sérologique n’est pas connu ne pourront pas en bénéficier. En effet, ils pourraient développer des souches résistantes aux antirétroviraux. C’est pourquoi le groupe de travail compte, dans les recommandations aux prescripteurs, préciser qu’il sera nécessaire de recherche tout signe de primo-infection VIH.