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Dispositifs, cabines UV, médecine esthétique

Encadrer pour éviter un nouveau scandale PIP

Par Afsané Sabouhi

Les sénateurs réclament un durcissement rapide de la réglementation, en particulier la mise en place de registres pour suivre chaque prothèse implantée. Plus facile à dire qu’à faire, rétorquent les chirurgiens.

DURAND FLORENCE/SIPA

Priorité à la sécurité. C’est le maître-mot de la mission d’information du Sénat, mise en place après le scandale des prothèses mammaires PIP. Son rapporteur, le socialiste Bernard Cazeau et sa présidente UMP Chantal Jouanno font le même diagnostic : la réglementation entourant les dispositifs médicaux implantables (prothèse, pace-maker, valve cardiaque…) n’est pas assez stricte pour être une garantie de sécurité. « La certification européenne qui permet la commercialisation d’un dispositif médical est trop laxiste », dénonce Bernard Cazeau, désignant notamment les organismes certificateurs peu scrupuleux choisis par les entreprises comme Poly Implant Prothèses pour l’évaluation de leurs produits. Les sénateurs réclament donc un cahier des charges commun à tous les organismes certificateurs et la multiplication des contrôles inopinés chez les fabricants.

Un veto européen à l’AMM 

La Commission Européenne a prévu de réformer dans les 2 ans qui viennent l’homologation des dispositifs médicaux pour la rendre plus exigeante en matière de sécurité. Mais une évaluation similaire à celle des médicaments semble exclue.
La Commission est opposée à la mise en place d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) en bonne et due forme au motif qu’elle condamnerait l’innovation dans le domaine très évolutif des dispositifs médicaux. Une position partagée par de nombreux experts qui soulignent également la difficulté à réaliser des essais cliniques pour les dispositifs médicaux. « Il est tout bonnement impossible d’implanter à certains patients un pace-maker placebo, explique le chirurgien cardiaque Daniel Loisance. Dans les dispositifs médicaux, notamment les valves cardiaques, on va de plus en plus vers le sur-mesure pour chaque patient. On ne peut pas transposer telle quelle la réglementation du médicament ».
A défaut de pouvoir agir en amont de la commercialisation, les sénateurs préconisent donc la mise en place de garde-fous nationaux s’appuyant sur les chirurgiens qui posent les prothèses, valves et autres dispositifs. Chaque dispositif implanté serait suivi à travers un registre conservant les coordonnées des patients et le système de matériovigilance chargé de détecter les dispositifs défectueux serait renforcé.

Bernard Cazeau, sénateur socialiste de Dordogne, rapporteur de la mission sur les dispositifs médicaux et les interventions à visée esthétique : « Dans les pays où on peut suivre le dispositif tout au long de sa vie à travers les registres, les alertes sont beaucoup plus rapides en cas de problème »



Mais la mise en pratique de ces registres ne sera pas si évidente. La Société française de chirurgie orthopédique et traumatologique (Sofcot) a mis en place en 2007, de sa propre initiative, un registre concernant les prothèses totales de hanche. Les chirurgiens n’ayant aucune obligation à le compléter, seules 1,5% des prothèses de hanche implantées sont inscrites dans le registre. Son intérêt dans la garantie de sécurité reste donc minime pour le moment.    


Pr Alain Sautet
, chirurgien orthopédique au CHU Saint-Antoine à Paris, secrétaire général de la Sofcot : « Il faut des décisions politiques pour rendre les registres obligatoires »


Les sénateurs ont plutôt retenu la seconde option et préconisent d’inclure la participation aux registres dans les contrats passés entre les hôpitaux et la Haute autorité de santé.

Mettre fin à la jungle de la chirurgie esthétique

L’exigence de sécurité est aussi le fil rouge des propositions sénatoriales dans le domaine de l’esthétique. « C’est aujourd’hui une véritable jungle, s’alarme Chantal Jouanno, la sénatrice UMP de Paris. Il faut une frontière extrêmement claire entre les esthéticiennes et la médecine esthétique. Certains actes doivent rester médicaux ». Hors usage médical contre le psoriasis, les sénateurs demandent donc l’interdiction des cabines de bronzage et s’en prennent également à la photodépilation par lumière pulsée, qu'ils proposent d'encadrer plus strictement. Etre médecin ne sera pas suffisant, les sénateurs voudraient également renforcer les exigences de formation en médecine esthétique.

Chantal Jouanno, sénatrice UMP de Paris, présidente de la mission d’information sénatoriale : « Il faudrait un diplôme de formation continue spécifique pour pouvoir pratiquer la médecine esthétique »

 

Sur les dispositifs médicaux comme sur la médecine esthétique, Chantal Jouanno et Bernard Cazeau n’ont pas l’intention que leurs préconisations restent lettre morte. Ils ont déjà fait part de leurs travaux à la ministre de la Santé et comptent faire de même rapidement auprès des parlementaires et de la Commission Européenne. « Si rien n’est fait, avertissent les deux sénateurs, les plus gros scandales sanitaires sont encore à venir ».