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QUESTION D'ACTU

Après les pilules de 3e génération

Pr Bernard Bégaud « La prochaine crise du médicament est déjà prévisible »

Pour le pharmacologue Bernard Bégaud, le système de pharmacovigilance doit dépasser sa mission de surveillance pour se concentrer sur les médicaments mal prescrits. 

Pr Bernard Bégaud  « La prochaine crise du médicament est déjà prévisible » KROD/WPA/SIPA




« Nous devons tout mettre en œuvre pour améliorer la pharmacovigilance » Les mots de Marisol Touraine lors de sa conférence de presse sur les pilules de 3egénération résonnaient en écho avec ceux de son prédécesseur Xavier Bertrand, aux prises avec l’affaire Mediator en janvier 2011. Bernard Begaud est pharmacologue à Bordeaux où il dirige une unité de recherche Inserm consacrée à l’évaluation du risque d'utilisation des produits de santé. Selon lui, réduire ces crises sanitaires successives à un défaut de surveillance est une erreur bien commode. Elle dédouane les décideurs et occulte la responsabilité des médecins qui prescrivent en dépit des recommandations.

 


Pourquoi Docteur : Marisol Touraine a critiqué un système de pharmacovigilance « trop lent et trop opaque »... 

Pr Bernard Bégaud : Certes, notre système de surveillance des effets indésirables des médicaments n’est pas exhaustif, ce qui explique la différence entre les chiffres de pharmacovigilance et ceux que l’on obtient en multipliant le risque d'accident thrombembolique par le nombre d’utilisatrices de pilules de 3e et 4e génération. Les professionnels ne déclarent pas tous les évènements indésirables qui surviennent. Mais cette sous-notification n’empêche pas le système de fonctionner. Le risque thromboembolique des contraceptifs oraux est connu depuis 1997. Il n’a pas été caché, ni aux autorités ni aux prescripteurs. On ne peut pas dire qu’il y a eu défaillance du système de surveillance des effets indésirables des médicaments.

En revanche, si on met derrière ce mot de pharmacovigilance l’ensemble du système du médicament, de la décision de remboursement à la surveillance des prescriptions hors recommandations en passant par l’information des médecins et des patients sur les risques et la formation initiale et continue des médecins sur le médicament, là oui, il y a un problème, c'est indéniable. Et il est récurrent.

L’affaire Mediator devait être le déclencheur d’un changement profond, cela n’a pas été le cas ?

Pr Bernard Bégaud Si, notamment pour les experts. Le contrôle de leurs conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique est désormais beaucoup plus strict, les réunions des différentes commissions sur le médicament sont filmées et rendues publiques. Mais concernant la pharmacovigilance, le changement de paradigme reste à mettre en pratique. Pour l’heure, la pharmacovigilance est cantonnée à un rôle, indispensable au demeurant, de surveillance passive des effets secondaires graves et d’alerte des autorités. Mettre par terre ce système n’aurait pas de sens. Mais il faut donner les moyens à la pharmacovigilance de devenir pro-active, d’aller sur le terrain au devant des problèmes avant qu’ils ne deviennent des crises. On voit bien, de Mediator aux pilules de 3e et 4e générations, que les crises récentes concernent des médicaments mal prescrits, ce qui rend leurs effets indésirables encore plus intolérables.


Il suffit de surveiller les surprescriptions pour prédire les prochaines crises ?

Pr Bernard Bégaud Prenez les médicaments psychotropes, qu’il s’agisse des antidépresseurs prescrits larga manu ou des somnifères que de nombreuses personnes âgées prennent depuis des années alors que la prescription doit se limiter à quelques semaines, il est évident que nous allons au devant des problèmes… En terme de santé publique, la priorité est de lister les mauvais usages de médicaments. Il ne s’agit pas de diaboliser ni ces médicaments ni les prescripteurs mais c’est sur ces problèmes qu’il nous faut travailler. On évitera des préjudices aux patients et on économisera des sommes qui se chiffrent probablement en milliards d’euros. Et on en finira avec ce scénario hautement médiatique de la crise sanitaire à répétition qui commence à lasser et pourrait finir par ancrer chez les Français une défiance envers les autorités sanitaires, ce qui serait très dommageable.

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