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Entretien

Saint-Valentin : « La passer seul, c’est s’émanciper de la pression du couple »

Crève-cœur pour certains, agaçante pour d’autres, la Saint-Valentin peut être source de stress pour les célibataires en quête de l’âme sœur. Comment se conditionner pour ne pas la subir ? Comment mieux la vivre quand on est seul ? Les sexologues Aurore Malet-Karas et Sylvain Mimoun nous livrent quelques éléments de réponses.

Saint-Valentin : « La passer seul, c’est s’émanciper de la pression du couple » Ivan Pantic / iStock

  • Publié le 14.02.2022 à 18h00
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- Mieux Vivre Santé : En quoi cette fête peut-elle être un moment difficile pour les célibataires ?

Aurore Malet-Karas : C’est une fête dédiée aux amoureux, qui renvoie ceux qui sont seuls à l'échec – c’est ainsi qu’ils le voient – de leur vie sentimentale. Un célibataire peut l’être par choix : il n’a pas envie de faire couple à ce moment-là de sa vie, et lui n’aura pas de problèmes avec la Saint-Valentin. Mais pour les célibataires qui, au contraire, ont envie d’être en couple, elle peut en effet être source d’angoisse, voire de déprime.

Sylvain Mimoun : Ceux qui le vivent le plus mal sont ceux qui ont été abandonnées par leur conjoint peu de temps avant le 14 février. C’est une période difficile car à force de voir la Saint-Valentin partout, tout le temps (restaurants, médias, magasins...), la personne en vient à se sentir anormale, pas comme tout le monde. Elle a l’impression que le monde entier est à deux ce soir-là, alors que c’est loin d’être le cas.

- Pourquoi la solitude est-elle mal vue aujourd’hui ?

AMK : Cela fait des siècles qu’elle est mal vue ! Plus précisément depuis l’avènement de la société judéo-chrétienne, dans laquelle la structure du couple parental est centrale : toutes les relations sociales sont organisées autour de la famille nucléaire père-mère-enfants. Résultat, dans le monde occidental contemporain, on n’a de place dans la société que si on suit ce schéma. Une injonction qui peut donner un sentiment de culpabilité aux célibataires.

SM : On considère, à tort, qu’on est forcément plus heureux à deux que seul. Plus une personne s’habituera à sa solitude, mieux les choses se passeront. Si elle s’en plaint du matin au soir, il y a fort à parier que sa solitude lui paraître insupportable. D’où l’intérêt d’apprendre à l’apprivoiser, non pas contraint et forcé mais simplement en acceptant d’être bien dans sa vie, malgré elle. En continuant à vivre au lieu d’attendre d’être à deux pour commencer à vivre.

- Comment se rassurer le soir de la Saint-Valentin ?

AMK : Il faut relativiser : c’est une soirée, qui ne veut plus dire grand-chose. Aujourd’hui, on ne vit pas trop mal, on peut facilement aller au restaurant, s’offrir des cadeaux, s’organiser un week-end en amoureux, bref célébrer notre amour n’importe quand. On n’est pas « obligé » d’attendre l’« exception » du 14 février. La Saint-Valentin s’essouffle avec le temps, les gens y voient moins d’intérêt, donc la pression est moins forte. Sans compter que c’est une fête surtout commerciale, qui n’a rien de spontané. Certains la considèrent même comme une période de dévoiement des sentiments amoureux.

SM : Le meilleur moyen est en nous ! Il faut identifier dans sa propre vie des activités qui nous font plaisir : passer du temps avec ses amis, aller voir sa famille, voyager, chanter... Le but est d’arriver à se dire « je suis bien avec moi-même pour X raisons ».

- Quels peuvent être les avantages à passer cette fête seul avec soi-même ?

SM : Déjà, on fait tout ce qu’on a envie de faire : on mange ce qu’on aime, on voit qui on veut... On peut redécouvrir les bénéfices de l’égoïsme partagé, c’est-à-dire ne penser qu’à soi, sans culpabiliser, se faire plaisir en solitaire. On peut alors vivre les choses différemment et réaliser que ce n’est pas parce qu’on est seul ce jour-là qu’on est condamné à être seul toute sa vie.

AMK : D’abord, il y a le fait que cela coûte moins cher ! Plus sérieusement, cela permet d’éviter la pression liée à cette soirée, comme choisir un beau cadeau, manger un excellent repas, être en forme... Si être célibataire peut être difficile à vivre, être en couple demande aussi un effort, un partage de l’espace, des compromis. Beaucoup, finalement, ne sont pas faits pour ça. La passer seul, c’est aussi s’émanciper de la pression que peut être le couple ! Et puis nous sommes dans une société très individualiste, où l’identité est importante et l’individu célébré. C’est moins tabou d’être célibataire : je suis seul, et alors ?

- La Saint-Valentin est censée être une fête de l’amour, pas du couple. Et si on revoyait l’amour au sens large, celui pour ses proches, ses amis, les gens qu’on aime ?

AMK : La définition de l’amour est une question philosophique avant d’être commerciale. Elargir cette fête aux amis, à la famille, aux gens qui comptent pour nous, c’est changer de paradigme de société, c’est mettre un coup de pied dans la fourmilière dans la vision du couple amoureux. Pourquoi pas ?

SM : Si on est bien avec soi-même et avec ses proches, que ce soit l’amour de sa vie ou les liens affectifs, ce n’est que du bénéfice pour soi. Il faut nourrir ses liens-là. Si on commence avec des questions de type « pourquoi je suis toujours seul, même ce soir, pourquoi personne ne m’aime », on scie la branche sur laquelle on est assis. Le bonheur appelle le bonheur, et le malheur, le malheur. La seule personne qui vous sera fidèle toute votre vie, c’est vous-même.
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