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En Grande-Bretagne

Prisons : les femmes s’automutilent dix fois plus que les hommes

Par Audrey Vaugrente

Les pratiques automutilatoires en prison sont plus élevées que la moyenne. Une étude révèle que les femmes sont les plus touchées. Comme dans la population générale.

MARTTILA/LEHTIKUVA OY/SIPA

L’automutilation est un fléau qui frappe aussi les prisons. Une étude menée par deux chercheurs britanniques, publiée ce 15 décembre dans The Lancet, révèle que plus de 26 000 incidents automutilatoires ont été signalés entre 2004 et 2009. Alors que le taux de suicide recule, cette pratique semble persister. Les chercheurs ont établi les facteurs de risques et les ont comparés avec la population carcérale générale.

 

Trente fois plus que la moyenne britannique

Les actes automutilatoires observés sur la période de suivi varient entre 20 000 et 25 000 par an. Les détenues étaient dix fois plus nombreuses que les hommes à les pratiquer. Elles sont en moyenne 20 à 24% à s’automutiler contre 5 à 6% des hommes emprisonnés. C’est également trente fois plus que la moyenne britannique. Ce que retient le Dr Serena Fazel, co-auteur de l’étude, c’est la fréquence des incidents : « Les taux de répétition étaient frappants ; si une détenue s’automutilait, elle le faisait huit fois par mois, et il y avait 102 femmes (et deux hommes) qui le faisaient plus de 100 fois par an. »

 

En France, selon l’Association des Professionnels de Santé Exerçant en Prison (ADSEP), on compte 32 actes auto-agressifs pour  1 000 détenus. C’est seize fois plus que dans la population libre. Les femmes sont encore une fois surreprésentées par rapport aux hommes. La proportion est bien moindre par rapport aux données britanniques, mais ces données doivent être relativisées : aucune statistique officielle n’existe pour recenser les cas d’automutilation.

 

Griffures, coupures, autostrangulation…

Deux méthodes d’auto agression ressortent de l'étude anglaise: comme dans la population générale, le recours aux coupures et/ou aux griffures est le plus répandu chez les deux sexes. Là où les hommes favorisent les pratiques à risque avec des produits ingérables (empoisonnement, overdoses, ingestion d’objets inadéquats), les femmes pratiquent plus souvent l’autostrangulation.

 

Le profil type du détenu qui s’automutile correspond plus à une femme. Mais de manière générale, le patient est jeune (moins de 20 ans), blanc, en attente de condamnation ou condamné à perpétuité. Les femmes ayant commis un crime violent sont également plus à risque d’auto agression que les autres.
En France, le profil varie légèrement. Les détenus qui s’automutilent ont en moyenne 28,4 ans et sont français. L’ADSEP note que 10% des actes automutilatoires ont lieu la première semaine, et 20% le premier mois de détention. Caroline Girard, socio-démographe et spécialiste de la santé en milieu carcéral, définit sur le site de l’ADSEP les principales causes de cette pratique. Dans la plupart des cas, il s’agit de la manifestation d’un état dépressif. Mais les détenus peuvent aussi agir dans un but judiciaire ou « pour attirer l’attention » sur ses conditions d’incarcération.

 

Une pratique particulièrement féminine

Les femmes ne représentent que 5% de la population carcérale, mais la moitié des incidents auto agressifs. Peut-on dire que, d'une manière générale, l’automutilation est un problème particulièrement féminin ? C’est en tout cas une donnée épidémiologique : les femmes sont statistiquement plus à risque d’auto agression que les hommes. Mais, comme l’expliquait récemment à pourquoidocteur le Dr Xavier Pommereau, psychiatre au centre Abadie de Bordeaux (Gironde), les automutilations masculines sont généralement plus graves que chez les femmes.

 

Le problème doit être pris au sérieux, selon les auteurs du rapport : l’automutilation est un facteur de risque majeur de suicide en prison. C’est particulièrement le cas des détenus masculins, où le taux annuel de suicide chez les hommes qui s’automutilent est quatre fois plus élevé que celui de la population carcérale générale. Le rapport souligne la nécessité de modifier les méthodes de prévention du suicide, en apportant une attention particulière aux détenus qui s’automutilent, « surtout s’ils le font répétitivement. »