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Essai clinique de l'ANRS

Sida : une pilule en prévention réduit le risque de 80 %

Par Léa Drouelle

Un traitement préventif contre le sida pris lors des rapports sexuels testé actuellement en France dans le cadre de l'essai clinique Ipergay vient de prouver son efficacité.

Jeff Chiu/AP/SIPA

« Un grand succès dans la lutte contre le VIH/Sida », a annoncé l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) dans un communiqué publié ce mercredi. Ce grand succès, c'est celui du Truvada, un antirétroviral pris en prévention contre le sida. Cette stratégie est testée actuellement dans le cadre d’Ipergay, un essai clinique mené par l’ANRS.

 

Une réduction de 80 % des risques d’infection
Lancé il y a deux ans et demi auprès de 400 homosexuels volontaires, Ipergay repose sur un concept novateur : la PrEP (prophylaxie pré-exposition). Cette méthode consiste à prendre un traitement contre une maladie en guise de prévention, c’est-à-dire avant la contamination. Si les précédents essais de Prep au Truvada, menés notamment en Angleterre et aux Etats-Unis se ont révélés peu fiables avec des taux d’efficacité relativement faibles, l’ANRS annonce un tout autre résultat. En effet, selon l’agence, Ipergay a démontré que l’on pouvait réduire les risques d’infection par le VIH de 80 %. Soit presque deux fois plus d’efficacité que l’essai IPREX mené aux Etats-Unis et dont la protection a été évaluée à 42 %.


Avant et après le rapport sexuel
A la différence de ces précédentes expériences, l’essai de l’ANRS présente l’originalité d’être administré uniquement avant et après le rapport sexuel. Autrement dit, « à la demande ». «  Ce traitement s’adresse à des personnes séronégatives qui prennent des risques, par exemple en ayant des rapports sexuels avec des partenaires séropositifs ou des personnes qui ne se sont pas fait dépister par exemple », explique le Pr Jean-Michel Molina, coordinateur de l’essai IPERGAY. Pour déterminer si le traitement est efficace, l'essai nécessite de placer un groupe sous antirétroviral et un autre sous placebo (un morceau de sucre est administré à la place du comprimé de Truvada). L'étude est par ailleurs réalisée en double aveugle, c'est-à-dire que ni les médecins ni les participants ne savent s'ils prennent réellement le traitement ou le placebo. 

 

Ecoutez le Pr Jean-Michel Molina, coordinateur de l’essai : « Ce traitement s’adresse à des personnes séronégatives qui prennent des risques d’exposition au virus»




Polémique au sein de la communauté homosexuelle
L’essai Ipergay ne fait cependant pas l’unanimité. Pour le Dr Olivier Taulera, ce traitement correspond à de l’ « anti prévention ». Ce médecin généraliste parisien considère en effet que la prise de Truvada éloigne les personnes des autres méthodes de prévention, notamment le port de préservatif. « Et je ne vous parle même pas des effets secondaires du Truvada, très lourds, en particulier pour les séronégatifs. Insuffisance rhénale, ostéoporose », ajoute ce dernier. Le Dr Taulera n’est pas le seul à être critique. La polémique s’étend même jusque dans la communauté homosexuelle. Une association antisida toulousaine se mobilise contre l’utilisation du Truvada. Elle se base notamment sur les résultats d’une étude précédente effectuée aux Etats-Unis disant que ces résultats ne seraient fiables qu’à 50 %. 

Ecoutez le Pr Jean-Michel Molina, coordinateur de l’essai, « C’est un fantasme que d’imaginer que les gens vont délaisser les modes de prévention au profit du Truvada. »

  

Les hétéros également concernés
Se pose aussi la question des personnes dites « exposées aux risques d’infection ». En effet, l’étude ne portant que sur des homosexuels, le traitement préventif au Truvada peut-il également s’appliquer aux hétérosexuels ? «  Les données obtenues dans le cadre d’Ipergay sont très probablement extrapolables », avance le Pr Molina. Ce dernier rappelle par ailleurs que les gays ne représentent que 40 % des personnes sur les 6000 Français infectés chaque année. « Cette recherche est une grande avancée dans la prévention contre le sida non seulement en France, mais aussi dans le reste du monde », conclut le Pr Molina.
« Ces premiers résultats ne laissent plus aucun doute : cette nouvelle stratégie de prévention est efficace au delà de nos espérances, estime de son côté Bruno Spire, le président de AIDES. Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre les résultats définitifs de l'essai (disponibles au printemps 2015) pour mettre ce nouvel outil à disposition de toutes les personnes exposées au risque. Et ce, quel que soit leur genre ou leur orientation sexuelle, », explique-t-il. D'ores et déjà l'ANRS recommande que tous les participants de l'essai Ipergay aient accès au Truvada en prévention.