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Tabac : une campagne choc "malveillante"

Par Cécile Coumau

C'est de la « prévention malveillante » ! L'accusation portée par des médecins est cinglante. Elle concerne la nouvelle « campagne choc » de lutte contre le tabac. Le quotidien La Croix nous apprend qu'un collectif de professionnels de santé a lancé une pétition pour dénoncer les nouveaux spots du ministère de la Santé. Une femme, au bord des sanglots, la voix cassée, déclare : « Je voulais vous dire une dernière fois que je vous aime et que votre maman sera toujours près de vous ». « Le tabac tue un fumeur sur deux. Arrêtez de fumer avant qu’il ne soit trop tard ». Une autre version du spot, tout aussi mélodramatique, met en scène un homme qui dit adieu à sa femme.


« Cette campagne de prévention utilise des ressorts émotionnels, essentiellement négatifs, comme la peur et la culpabilité », dénonce le collectif de professionnels de santé. Près de 300 personnes ont déjà signé la pétition. « C’est une instrumentalisation de l’émotionnel qui, à nos yeux, ne sera d’aucune efficacité chez les fumeurs, déclare dans La Croix le Dr Patrick Lamour, directeur général de l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (Ireps) en Pays de la Loire. En revanche, je peux vous assurer que le spot est terrible pour les personnes qui, actuellement, sont en train de se battre contre le cancer du poumon. »


Un avis que partage Jacques Lecomte, chercheur en psychologie positive et chargé de cours à l’université Paris Ouest Nanterre. « Jouer sur la peur peut avoir l’effet inverse, et pousser à décupler sa consommation de tabac », confiait-il à pourquoidocteur le mois dernier. Selon le chercheur, face à ces spots choc, une grande partie des fumeurs tentent de contrôler leur peur par des « mécanismes de défense psychologiques » : le déni (« le cancer, c’est pour les autres ») ; l’évitement (« c’est trop affreux, je préfère ne pas y penser ») et la pseudo reconquête de la liberté (« ils essaient de me manipuler, je vais les ignorer »). 

L'Institut national de prévention et d'éducation à la santé (Inpes), qui a conçu la campagne, se défend et déclare à La Croix que « l'action malveillante, c’est d’abord celle de l’industrie du tabac qui vend un produit qui tuera un consommateur sur deux ». Une certitude, la peur seule ne suffit pas pour faire arrêter les fumeurs. Il faut l'accompagner d'un message d'aide au sevrage.


L'autre levier très intéressant, c'est l'augmentation du prix du tabac. D'après RTL, le gouvernement envisagerait d'augmenter le prix du paquet de cigarettes de 30 centimes. Mais cela ne constituerait une hausse que de 4 %. Largement insuffisant, d'après les spécialistes du tabac, qui affirment, preuve à l'appui, qu'il faut frapper un grand coup – 10 % d'augmentation du prix – pour espérer infléchir la courbe du nombre de fumeurs.