ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Obésité : l’excès d’aliments à bas prix responsable de l’épidémie

Analyse de chercheurs américains

Obésité : l’excès d’aliments à bas prix responsable de l’épidémie

Par Audrey Vaugrente

Les explications les plus connues de l’obésité en Occident seraient aussi les plus fausses. Selon une récente étude, trop d’aliments à un prix abordable expliquent cette explosion.

SALOM-GOMIS SEBASTIEN/SIPA

Manque d’exercice, mauvaise alimentation, fruits et légumes trop chers… Ce sont les coupables tous désignés de l’épidémie d’obésité aux Etats-Unis. A tort, affirme une équipe de chercheurs de la RAND Corporation (1) et de l’université d’Illinois à Urbana-Champaign (Etats-Unis) à l'occasion de la journée de l'obésité. Ce qu’on décrit comme des causes ne sont souvent que des facteurs et nous passons à côté du réel problème : trop d’aliments différents sont disponibles à des prix raisonnables, conclut l'étude parue la revue CA : Cancer Journal for Clinicians ce 22 mai.

 

Une hausse généralisée

« De nombreux facteurs ont été suggérés comme étant des causes », écrivent les auteurs de l’étude. Ils citent pêle-mêle le niveau socio-économique, l’ethnie, l’étalement dans les banlieues et même l’activité professionnelle des femmes. « Il s’avère que certaines idées reçues très répandues sur les tendances sociétales sont fausses, sans équivoque », concluent les chercheurs. En fait, depuis une dizaine d’années, les Américains font plus d’exercice, ont plus de loisirs et bénéficient d’un meilleur accès à des aliments à un prix raisonnable, y compris des fruits et légumes. Pourtant, depuis les années 1980, le taux d’obésité dans le pays ne fait que grimper.

 

L’erreur vient du fait que les analystes se penchent trop sur les détails, estime Ruopeng An, co-auteur de l’étude. « Si vous regardez les données nationales à une période donnée, il n’est pas difficile de dire, par exemple, que le taux d’obésité des gens à faible niveau académique est plus élevé. Tout le monde adhère à cet argument. Ce qui est moins évident, c’est que la tendance à l’obésité est étonnamment similaire dans tous les groupes », note-t-il. Tenir compte de cet élément est indispensable dans la mise en place de politiques de prévention : elles doivent être globales, et non ciblées sur certaines populations, conclut l’étude.

 

Trop d’aliments disponibles

Le coupable de l’épidémie d’obésité aux Etats-Unis est bien alimentaire. Et ce n’est pas le coût plus élevé des fruits et légumes, en baisse régulière depuis le milieu des années 1970, affirme Ruopen An. « Dans les années 1930, les Américains dépensaient un tiers de leurs revenus pour se nourrir, aujourd’hui les gens dépensent moins d’un dixième. » C’est d’ailleurs le cœur du problème : l’alimentation est plus accessible que jamais, sur un plan géographique et économique. Les critères de qualité des consommateurs ont évolué en même temps : ils veulent manger pratique, rapide et varié. « La nourriture n’est pas seulement devenue moins chère, elle est devenue plus facile à obtenir et à préparer. Le problème n’est pas juste qu’on puisse manger des aliments plus riches en calories, c’est qu’on mange davantage d’aliments de tous types », explique Roland Sturm, principal auteur de l’étude.

 

Trop de choix à bas prix : voilà ce qui explique l’explosion de l’obésité dans le monde moderne. Les chercheurs suggèrent d’inverser la tendance d’une manière simple : taxer les aliments à faible valeur nutritionnelle et « sponsoriser » les aliments sains, à l’aide de bons d’achats et de réductions. « Nous devons envisager des stratégies qui remplacent les aliments riches en calories par des fruits et légumes, plutôt que de se contenter d’ajouter des fruits et légumes au menu », conclut Roland Sturm. Des changements souvent envisagés, mais rarement appliqués.

 

(1) La RAND Corporation est une institution américaine à but non lucratif. Souvent décrite comme un laboratoire d’idées, elle se fixe pour objectif d’améliorer la politique et la prise de décisions par la recherche et l’analyse.