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27 établissements pénitentiaires à la loupe

Sida et hépatite C : 6 fois plus de séropositifs en prison

Par Melanie Gomez

En 2010, environ 1200 détenus étaient infectés par la VIH en France et 3000 par le VHC. Des données qui confirment l’intérêt d’une politique de réduction des risques en milieu carcéral.  

LANCELOT FREDERIC/SIPA

Estimer pour la 1ère fois la prévalence de l’infection par le VIH et par le VHC en milieu carcéral sur le plan national, tel a été l’objectif de l’enquête Prévacar 2010 dont les résultats viennent d’être publiés dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Jusque là, les données disponibles sur le sujet étaient anciennes ou parcellaires et ne permettaient pas de caractériser les personnes infectées sur le plan national.

Conçue et mise en œuvre conjointement par la Direction générale de la santé (DGS) et l’Institut de veille sanitaire (Invs), cette analyse réalisée en juin 2010 a donc sélectionné par tirage au sort, 2154 personnes détenues dans 27 établissements pénitentiaires. Pour chaque personne détenue tirée au sort, un questionnaire individuel a été rempli à partir des données contenues dans le dossier médical le jour de l’enquête. Les informations portaient sur les caractéristiques démographiques, le statut relatif à l’infection par le VIH et le VHC, les modes de contamination, le stade clinique et les traitements. Afin de préserver l’anonymat, un numéro aléatoire a été assigné à chaque détenu.

 

24% des malades découvrent leur séropositivité en prison

Bien que la vulnérabilité des personnes détenues en termes de maladies infectieuses soit connue, les résultats de cette enquête confirment cette réalité dans les prisons françaises. En 2010, la prévalence du VIH était estimée à 2% et était plus élevée chez les femmes que chez les hommes, bien qu’elles ne représentent que 3% de l’ensemble des détenus français. En comparaison, en 2009, celle en population générale était estimée à 0,35%. Dans le milieu carcéral, cette prévalence augmentait avec l’âge jusqu’à 50 ans et variait en fonction du continent de naissance : la plus élevée était retrouvée chez les personnes nées en Afrique subsaharienne (15,4%). Elle était de 1,1% pour les personnes nées en France. Lorsque le mode de contamination était connu, la transmission était liée à des rapports hétérosexuels dans 75% des cas. Le délai moyen depuis la découverte de la séropositivité était de 9 ans et 24% des personnes détenues ont découvert leur séropositivité en prison.

 

En ce qui concerne l’hépatite C, cette enquête révèle que la prévalence était de 4,8% en 2010 dans les prisons françaises, quand elle était de 0,8% en population générale en 2004. Les détenus les plus touchés par ce virus étaient les personnes nés en Asie et en Europe de l’Est, respectivement 12,4% et 12,3%. Le mode de contamination probable était l’usage de drogues dans 70% des cas, inconnu pour 22% des personnes détenus et lié à une transfusion ou un tatouage pour 8%.

 

Les ¾ des VIH+ sous traitement et la moitié des VHC +

Cette enquête s’est également intéressée au traitement des personnes détenues contaminées par ces différents virus. Dans le cas du VIH, un traitement antirétroviral était en cours pour 75% des personnes séropositives. Parmi les personnes au stade sida, 94% étaient traitées. En ce qui concerne les détenus infectés par le VHC, près de la moitié recevaient ou avaient reçu un traitement. Enfin, parmi les personnes ayant une hépatite chronique, 40,7% avaient bénéficié d’une évaluation de la fibrose au cours des 12 derniers mois et 36% recevaient un traitement.

 

Pour une politique de réduction des risques en prison

Les résultats inédits de cette enquête permettent donc de confirmer l’importance de la prévalence du VIH et de l’hépatite C en milieu carcéral. « Cette étude a montré la faisabilité d’enquêtes au niveau national en milieu pénitentiaire en France, afin d’améliorer la surveillance de la santé des personnes détenues », précise les auteurs de cette étude.

Bien que le dépistage de l’infection par le VIH et le VHC soit proposé systématiquement à chaque personne détenue lors de sa visite médicale d’entrée, les auteurs de ce travail insistent sur l’importance de la répétition de la proposition de ces tests de dépistage. En effet, le volet « offre de soins » de cette enquête a montré que le renouvellement de cette offre ne concerne que la moitié des établissements pénitentiaires. D’autre part, ces données confirment l’intérêt d’une politique de réduction des risques en milieu carcéral, afin de limiter la transmission de ces infections et améliorer leur pronostic.