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QUESTION D'ACTU

L'Entretien de la Semaine

«Beaucoup de projets innovants en santé sont centrés sur une idée forte : permettre un meilleur accès au soins»

Le lancement de la Maison de l'Innovation de la Médecine Spécialisée a été annoncé le 10 décembre par la Confédération des Syndicats Médicaux Français avec ses partenaires, un assureur et trois acteurs de l'innovation en santé. Le Dr Stéphane Landais, secrétaire général de la CSMF, et vice-président de cette Maison de l'Innovation répond aux questions de Pourquoi Docteur.

\ ipopba/iStock.com




- Pourquoi-Docteur : Les objets connectés en santé, sont-ils encore des gadgets pour surveiller sa forme ou sont-ils devenus des outils quotidiens dans la pratique médicale ?

Dr Stéphane Landais : D’abord il faut rappeler que l’on vit une révolution dans l’univers de la santé. Les choses bougent très vite et pas seulement par le fait des médecins. Il y a des personnes, des structures qui sont intéressées par le monde de la santé sans appartenir au milieu de la médecine, des gens qui ont bien vu qu’il y avait un marché et qui s’organisent. Donc on voit en effet de plus en plus de dispositifs, d’objets connectés, d’applications en santé. Alors, est-ce que les médecins s’en servent ? Oui, les généralistes mais aussi les spécialistes dans leur domaine commencent à s’approprier ces objets, même si au départ, comme pour toute innovation, il y a des freins à son acceptation. Mais après une période d’évaluation bien naturelle, les habitudes se prennent.

- Quel est l’impact de leur utilisation par les patients dans leur relation avec le médecin ?

Dr S.L. : En ce qui concerne les patients, on a dit que le numérique et internet allaient être des éléments qui rompraient le colloque singulier (la relation privée entre médecin et patient au cabinet, NDLR). Mais ces outils-là, au-delà des défiances initiales, permettent aux patients de se responsabiliser, de s’autonomiser, ce qui est toujours un grand plus dans la prise en charge de la santé de façon globale.

Avant de voir les excès que cela pourrait entraîner, commençons par en voir les applications et les conséquences. Dans ce registre-là, les patients, il y en a de toutes catégories, les accros, les geeks, et de l’autre côté les réfractaires éternels. Mais entre tous ceux-là, il y a toute une population qui, petit à petit, va s’approprier les objets connectés et qui va aller glaner des informations sur internet et cela va être un argument de plus pour échanger avec le praticien. Au début il peut y avoir une sorte d’étonnement de sa part, mais ces objets connectés, le numérique en santé, cela favorise l’émergence du patient expert. Et le patient, il est aujourd’hui, avec l’augmentation de son espérance de vie, bien obligé de devenir une sorte d’expert : il y a de plus en plus de polypathologies, de plus en plus de patients qui sont polymédicamentés et qui doivent devenir experts de leurs pathologies. Et en favorisant l’expertise du patient, le numérique et internet favorisent le lien, la relation avec le praticien.

- Est-ce que ces objets et dispositifs ne risquent pas de rendre parfois le praticien un peu moins « utile » ?

Dr S.L. : Oui, les objets connectés sont de plus en plus utilisés. Cela se développe mais on n’est qu’à l’aube d’une révolution en santé. Et loin de risquer d’aller trop loin, cela va surtout redonner au praticien du temps médical parce que ces objets connectés, l’internet, permettent de modifier l’organisation du cabinet, ces apports technologiques changent les pratiques des médecins, leur donnent beaucoup plus de temps pour privilégier l’humain. Donc, encore une fois, loin de rompre le colloque singulier, ces innovations le renforcent : avec un patient qui s’est posé des questions, qui s’est informé, on entre dans un échange très intéressant.

- Ces innovations peuvent-elles apporter des solutions aux graves problèmes que connait la France en termes d’accès aux soins

Dr S.L. : Oui, bien sûr ! Il y a un magnifique exemple révélé par la crise du coronavirus : l’échec initial de la téléconsultation et son immense succès au bout de trois mois ! On est passés de 100 000 téléconsultations à plus d’un million … C’est un franc succès et il va y avoir de nouveaux usages qui vont s’imposer, tant aux praticiens qu’aux patients, et chemin faisant ces nouvelles expertises ajoutées à des outils facilitateurs vont faire que l’accès aux soins va être amélioré. Par exemple, au sein de la Maison de l’Innovation que nous venons de lancer, on va créer le « cabinet 2030 » et cela va démontrer qu’un cabinet médical, cela peut être organisé et géré d’une façon entrepreneuriale. Ce qui va montrer un aspect du métier encore plus attractif, contribuer par ce biais à augmenter le nombre d’installation de médecins en ville, et au final améliorer l’accès aux soins.

- Le cadre légal, c’est plutôt un guide de bonne conduite dans ce domaine ou un frein à l’innovation ?

Dr S.L. : C’est vrai qu’en France, on aime bien que tout soir réglementé, organisé par de grands penseurs qui n’ont que peu d’expérience de terrain … Mais heureusement, l’urgence fait que quelque fois les habitudes sont un peu transformées et on l’a bien vu dans la crise du coronavirus : les initiatives du terrain ont créé un tsunami organisationnel qui s’est imposé aux Agences Régionales de Santé, les forçant à devenir plus souples, moins tatillonnes et contraignantes. Les médecins sont allés au combat sans arme, presque les mains nues, mais ils l’ont fait, ils ont inventé des solutions comme les « centres Covid ». Cela prouve l’agilité, la réactivité du corps libéral dans son ensemble et cela démontre qu’il faut être souple dans la gestion de la santé. Bien sûr, il faut respecter des cadres. Mais il faut aussi savoir supprimer les contraintes qui retardent l’application de décisions qui peuvent être bénéfiques pour le patient.

- Mais il y a tout de même le sujet très sensible de la protection des données de santé. Faudrait-il les rendre plus ouvertes pour faciliter l’innovation ?

Dr S.L. : Je crois que l’on peut faire du bon travail en respectant la protection des données de santé. Il n’en demeure pas moins que le premier obstacle au respect de ces données, ce sont les usagers eux-mêmes ! Dans notre pratique nous sommes sans cesse confrontés au fait que les patients réclament des échanges non sécurisés sur internet, par exemple sur la communication de résultats d’examens. Eux qui sont souvent très pointilleux sur leurs libertés individuelles, dès qu’il s’agit de leur santé, ils s’en soucient beaucoup moins, ils sont tout à fait ouverts à ce que les règles soient moins respectées !

- Vous disiez au début de cet entretien que beaucoup d’innovations en santé se font sans que l’on s’occupe vraiment de ce qu’en pensent les médecins. Comment pourraient-ils être davantage associés à tout ce qui concerne leurs pratiques ?

Dr S.L. : Je pense qu’il y a des médecins passionnés par ces techniques et qui font des tas de choses. Le problème est que ces médecins qui ont souvent de bonnes idées créent des start-up pour les concrétiser … mais ces entreprises ont souvent du mal à marcher. La grande différence entre les industriels et les médecins, c’est que les industriels voient le marché. Les médecins, eux, voient bien le problème et les solutions mais ils ne voient pas le marché. C’est de ce constat qu’est née la Maison de l’Innovation et que la CSMF va héberger des start-up pour que toutes ces énergies et tous ces métiers se rencontrent, pour assurer ce métissage qui va permettre aux médecins de confronter plus facilement leurs idées avec des gens doués pour étudier le marché et faire en sorte que cela marche.

Il est important que les projets innovants en santé arrivent à leur terme, notamment parce que beaucoup de ces projets sont centrés sur une idée forte, permettre un meilleur accès aux soins, faire en sorte que tout le monde puisse, en cas de besoin, voir son médecin en temps utiles.

 

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