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Santé mentale

Automutilations chez les adolescentes : les signes qui alertent

Par Amanda Breuer-Rivera

Les facteurs de passage à l'acte d'automutilation à l'adolescence viennent d'être mis au jour par une étude. Ce comportement autodestructeur se retrouve principalement chez les jeunes filles.

triocean/istock
Le lien entre souvenir traumatique, trait d'évitement et automutilation reste à éclaircir.
Selon une étude américaine, les adolescents qui s'automutilent ont une faible conscience d'eux-même, un fort trait d'évitement et au moins un des parents avec un passif de toxicomanie.
Le lien entre souvenir traumatique, trait d'évitement et automutilation reste à éclaircir.

Est-il possible de détecter quelle adolescente est susceptible de s'automutiler ? Selon une étude américaine publiée le 22 août dernier dans le Journal de l'Académie américaine de la psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, il existerait trois facteurs-clés pour prédire la première occurrence d'automutilation non-suicidaire durant trois ans : une faible conscience, un fort évitement et des antécédents de toxicomanie chez les parents.

Pour aboutir à ces conclusions, les chercheurs ont utilisé la base de donnée de l'étude "Adolescent Development of Emotions and Personality Traits". Ce programme de recherche, qui a démarré en 2013, suit la santé et du bien-être des filles d'un quartier new-yorkais (États-Unis). Les scientifiques ont sélectionné un échantillon de 462 filles âgées de 13 à 15 ans et qui n'avaient jamais subi d'automutilation. Ils ont ensuite dressé les vulnérabilités psychologiques - y compris les traits de personnalité et les symptômes psychologiques - de leur cohorte ainsi que la santé mentale de leurs parents. Puis durant 3 ans, les chercheurs ont échangé avec les adolescentes. Au cours de l'étude, 42 filles ont déclaré avoir commencé à s'automutiler. Leurs vulnérabilités psychologiques de base ont été comparées aux 420 filles restantes qui ne se sont jamais blessées. Ces 42 filles ont la particularité d'avoir des niveaux de base de conscience, nettement inférieurs aux autres, et des niveaux d'évitement plus élevés. De plus elles étaient deux fois plus susceptibles d'avoir un parent qui a eu un problème de toxicomanie à un moment de sa vie.

"Ces résultats indiquent deux voies psychologiques principales vers l'automutilation des adolescents. La première est la désinhibition - une urgence à agir et une difficulté à réguler son comportement, souvent face à de fortes émotions négatives, analyse Molly Gromatsky qui a dirigé l'étude et chercheuse au James J. Peters VA Medical Center dans le Bronx, New York. La deuxième consiste à éviter les souvenirs ou les pensées bouleversants, l'automutilation étant utilisée comme stratégie d'adaptation inadaptée pour détourner l'attention des sentiments négatifs intenses. L'abus de substances parentales peut jouer un rôle via la susceptibilité génétique héréditaire aux problèmes de santé mentale, ainsi que via l'environnement transmission du risque."

Une piste de prévention

Des souvenirs bouleversants ? Selon des études antérieures, cela pourrait être l'expérience de la violence ou d'abus, ainsi que la pauvreté et l'intimidation qui chez les enfants ont des impacts significatifs sur l'automutilation non-suicidaire et d'autres vulnérabilités psychologiques. Cependant, cette étude n'établit pas un lien direct entre le souvenir traumatique et le trait d'évitement. "En plus d'élargir notre compréhension du développement de l'automutilation, la présente étude a dérivé un profil de personnalité avec une bonne capacité à identifier les adolescentes qui risquent de se faire du mal, plaide Roman Kotov co-auteur de l'étude et professeur au département de psychiatrie à l'Université Stony Brook de New-York. S'il est reproduit dans des échantillons indépendants, cet ensemble de caractéristiques permettraient un dépistage psychologique rapide qu'il serait possible de collecter dans des échantillons communautaires d'adolescents (par exemple, dans les écoles ou les soins primaires, facilitant une prévention ciblée)."

Un enjeu de santé publique selon les chercheurs. "L'automutilation est courante chez les adolescents, en particulier chez les filles", assure Monika Waszczuk auteure principale de l'étude et professeure adjointe au département de psychiatrie de l'Université Stony Brook de New-York. Or près de la moitié d'entre eux poursuivent ce genre de comportement à l'âge adulte. Ces automutilations couvrent différentes réalités comme des coupures ou des brûlures.