ACCUEIL > QUESTION D'ACTU > Une variation génétique pourrait expliquer le développement du coronavirus

Covid-19

Une variation génétique pourrait expliquer le développement du coronavirus

Par Amanda Breuer-Rivera

Deux équipes françaises de recherche publient un premier article de synthèse sur la varitation d'un gène et la prédisposition à développer la Covid-19.

jamesteohart/iStock
MOTS-CLÉS :

Et si la contraction du Covid-19 et sa sévérité dépendait de nos gènes ? C'est l'hypothèse de deux équipes de recherche française — Centre Antoine Lacassagne et IRCAN à Nice — qui publient en ce mois d'août un article de synthèse dans la revue américaine Trends in genetics. Différentes études, notamment une Chinoise, se sont intéressées à l'enzyme de conversion de l'angiotensine, des “ciseaux” de l'ADN qui régulent le volume et la tension artérielle, également nommé l'ACE2. “Il a été démontré que la maladie du SARS-CoV-2 utilise les ACE2 comme réceptacle dans les cellules qu'elle infecte, cela a été la même chose dans les cas sévères du SARS-CoV en 2003” explique l'étude pékinoise, publiée en juin dernier, et citée dans l'article de synthèse.

Or, l'article de synthèse note que “contre-intuitivement, l'expression de SARS-CoV-2 visée est inversement associée à certains facteurs à risque comme le surnombre de femmes asiatiques par rapport aux hommes et la diminution significative de diabète de type II, écrivent les auteurs de cet article. Globalement au niveau de la population, il existe une corrélation négative entre l'expression de l'ACE2 et la sévérité du Covid-19.” Comment est-il possible que des réceptacles du SARS-CoV-2 évitent la maladie ? Pour répondre à cet étrange phénomène, une équipe de chercheurs allemands s'est intéressée à deux enzymes qui annihilent ce réceptacle. L'un, l'ADAM17, supprime et expulse le réceptacle hors de la cellule empêchant ainsi l'infection virale; l'autre, le TMPRSS2, supprime aussi le réceptacle de l'ACE2 ainsi que la “protéine-grappin” du virus qui permet à ce dernier d'entrer dans la cellule. Si l'un protège, l'autre facilite l'infection.

Variations génétiques et sensibilité à la Covid-19

Des chercheurs à Wuhan (Chine) ont analysé 1 700 ACE2 sur les chromosomes X et isolés 15 variations. Ils ont remarqué une plus grande diversité de variations dans la population asiatique (0,05% de fréquence pour les 6 variantes les plus commues) qu'européenne (0,35-0,48%). “Curieusement, leurs données suggèrent que les 11 variations les plus communes sont associées avec une augmentation de l'expression d'ACE2 dans les tissus, suggérant selon les auteurs différentes sensibilités à l’infectiosité du SARS-CoV-2” souligne la synthèse française. Cependant, l'influence des variations génétiques sur l'ACE2 reste à déterminer. Les chercheurs appellent à réaliser de nouvelles études, à base de croisements de données et de calculs informatiques, pour observer comment ces variations génétiques influencent l'ACE2, ainsi que l'ADAM17 et le TMPRSS2. Les chercheurs niçois restent prudents sur la plus grande fréquence de variation de l'ACE2, aussi bien dans la population asiatique qu'africaine, qui sont toutes les deux supérieures à celle en Europe. Ils appellent à ne pas tirer de conclusion hâtive et de croiser ces données avec les données épidémiologiques, rappelant ainsi que la propagation d'un virus ne dépend pas uniquement des gènes.

Toutefois, la piste de l'ACE2 permet d'observer que la Covid-19 et certaines maladies comme l'hypertension ou les diabètes sont associées à une moindre expression de l'ACE2. “Cette relation concourt bien avec l'étude pékinoise qui souligne une corrélation négative entre l'ACE2 et la sévérité de la Covid-19”, commente l'étude. Les variations génétiques du gène et la forme sévère de la Covid-19 nécessitent également plus d'études approfondies. Les auteurs de cet article sont convaincus qu'il faut poursuivre les études car “l'influence de la génétique sur la sensibilité individuelle à la Covid-19 est bien trop sous-estimée”. Ils assurent qu'il serait possible de réaliser facilement un test pour estimer si les personnes sont plus à risque ou non de développer une forme grave de la maladie.