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La chronique du Docteur Lemoine

Le mystère de la Progéria, maladie rare et orpheline

Par le Dr Jean-François Lemoine

C’est aujourd’hui la Journée des maladies rares. Une maladie rare touche moins de 5 personnes sur 10 000, selon la définition réglementaire européenne. On estime qu'il en existe entre 5 000 et 8 000 différentes. Bien que chacune ne concerne que peu d'individus, le nombre de personnes concernées dépasse, en France, celui des malades atteints de cancers… 80% sont d’origine génétique et le taux de mortalité à cinq ans atteint en moyenne 30%.

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On confond souvent maladies rares et maladies orphelines, qui sont celles pour lesquelles on ne connaît pas de traitement. Ainsi la maladie d’Alzheimer n’est pas, hélas, une maladie rare, mais une maladie orpheline. Et de nombreuses maladies rares sont aussi orphelines, comme la Progéria… C’est une maladie épouvantable où le vieillissement total se fait en moins de 15 ans. Élucider pourquoi une centaine d’enfants de treize ans, dans le monde, meurent en vieillards, permettra, peut-être, de comprendre et de ralentir le vieillissement de milliards d’humains.

Beaucoup d’entre vous ont vu les images de ces malades – il y en a des centaines sur internet – mais la Progéria est une maladie très rare : une naissance sur huit millions, soit un enfant tous les dix ans. Être progérique, c’est vieillir six fois plus vite que la normale, connaître un premier infarctus à 5 ans, un accident vasculaire cérébral à 6 ans et une fin de vie de grand vieillard à 13 ans…

Vision et vie épouvantables de ces petits enfants au physique de vieux papys, mais dont l’intelligence et le raisonnement sont intacts.

Toutes les maladies de l’enfant sont injustes, mais la Progéria encore plus que les autres…

 

Découvrir la cause était d’abord répondre à la question « pourquoi ? », qui hante ces enfants et leurs familles, puis comprendre le mécanisme pour tenter de corriger l’injustice.

On doit à une équipe française de Marseille, l’unité INSERM 910, la découverte, il y a plus de 10 ans, dans l’intimité des cellules de ces enfants, de l’existence d’une protéine anormale que l’on appelle la Progérine, qui perturbe la division des cellules qui ne se régénèrent peu ou pas. Vérification, on retrouve aussi cette même protéine anormale dans les noyaux de cellules de personnes de plus de 80 ans.

Ce qui pourrait donner naissance  à un traitement de ces enfants. Il y a eu en 2008 l’essai chez la souris progérique. Les médicaments ont doublé la durée de vie des rongeurs. Une preuve suffisante pour tenter, dès 2009, un traitement chez 12 enfants volontaires, d’autant que les médicaments utilisés, une statine que des millions de gens consomment contre leur cholestérol, associée à un médicament contre l’ostéoporose, lui aussi très prescrit, ne sont pas réputés pour avoir de gros effets secondaires. Les résultats définitifs ne sont pas encore publiés, mais il semble que la maladie soit stabilisée, sans qu’aucun décès n’ait été signalé.

Stabiliser une maladie, c’est bien… La guérir, c’est encore mieux !

Il faudrait faire disparaître cette protéine. Pour cela, il faut mettre au point un médicament nouveau spécifique, ce qui est théoriquement toujours possible, mais financièrement plus délicat que d’essayer des médicaments plus anciens.

Et bien les chercheurs marseillais l’ont fait, avec la fabrication d’un médicament spécifique, capable de s‘attaquer à la fabrication de la protéine anormale : un médicament issu de la technique des biothérapies, extrêmement coûteuse, mais qui est à l’origine des vraies révolutions thérapeutiques de ces 20 dernières années. Il semble que ce médicament bloque la fabrication de la protéine scélérate et que la durée de vie de ces souris se normalise.

La tentation doit être extrêmement forte de l’essayer, mais comme le dit son inventeur : « Un traitement très cher pour une souris de 20 grammes devient « hors de prix » pour un enfant de 10 kilos, qui devra le suivre toute sa vie... ». 

Extrêmement cher ? Par forcément, car si le mécanisme de la Progéria n’est qu’une des explications (prouvée) du vieillissement parmi d’autres, tout ce qui peut donner à l’homme l’espérance d’une certaine forme d’éternité a toujours mobilisé beaucoup de moyens. Il est probable qu’au-delà de l’espoir immense offert à ces enfants et à leurs familles, les besoins de ces chercheurs particulièrement brillants seront entendus.

Docteur Jean-François Lemoine

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