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Lombalgie inflammatoire

Mal de dos le matin ou soulagé par les AINS : attention à la spondylarthrite !

Par le Dr Jean-Paul Marre

La douleur du dos qui vous « réveille le matin » et qui est « trop bien soulagée » par les anti-inflammatoire non-stéroïdiens n’est pas une lombalgie comme les autres. Cela peut-être une spondylarthrite. Il faut consulter un médecin qui pourra vous aider.

katrinaelena/epictura

Le mal de dos est un des premiers motifs de consultation en France : 7 personnes sur 10 seront concernées par ce problème au cours de leur vie. Dans la majorité des cas, il s’agit d’une lombalgie dite « commune », par détérioration d’un disque intervertébral ou secondaire à une arthrose, ou les 2.
Mais dans 5 à 10% des cas, ces douleurs, surtout si elles sont traînantes ou récidivantes, sont attribuées à tort à une effort physique ou à un travail « à risque », alors qu’il s’agit d’une maladie inflammatoire de la colonne vertébrale : une « spondylarthrite ».

Une « douleur réveil-matin »

Quand une lombalgie récidive trop fréquemment ou dure plus de 3 mois, en particulier chez une personne de moins de 45 ans, que ce soit un homme ou une femme, il convient de se poser la question d’une spondyloarthrite et d’analyser soigneusement les caractéristiques de la douleur en se posant les bonnes questions : « À quelle heure mon dos me fait le plus souffrir dans la journée : le matin ou le soir ? », « Est-ce que les AINS à dose normale me soulagent d’au moins 50% en moins de 48 heures ? », « Est-ce que je suis surtout raide le matin d’une raideur qui s’améliore après plus d’une demi-heure ? », « est-ce que mon père ou ma mère ou mon oncle… se plaignait d’une douleur identique ? ».
Si la réponse à la 1ère question est « le matin », si cette douleur peut être responsable de réveils dans la 2ème partie de la nuit ou le matin de bonne heure (douleur « réveil-matin »), si elle s’accompagne le matin d’une raideur du dos qui dure au moins une demi-heure (« dérouillage matinal ») et s’estompe ensuite dans la journée avec les mouvements, si son père ou sa mère souffrent d’une douleur identique, il faut se poser la question d’une spondylarthrite et aller en parler à son médecin.

Une « trop grande sensibilité » aux AINS

Alors que la plupart des études démontrent que les anti-inflammatoires non-stéroïdiens ne sont pas efficaces dans la lombalgie commune, certaines personnes qui souffrent du dos sont, elles, très améliorée par les AINS et prennent ce traitement à répétition pendant des années… puisque cela marche, retardant d’autant le diagnostic.
Si cette douleur est soulagée à au moins 50 % en moins de 24 à 48 heures par un simple anti-inflammatoire non-stéroïdien, la question de l’existence d’une lombalgie inflammatoire ne se pose plus et il faudra que le médecin traitant recherche des signes chez le malade et dans sa famille et demande une radiographie et une IRM des articulations sacroiliaques.
Ces examens permettront d’étayer le diagnostic dans un cas sur 2 et il faudra envoyer le malade consulter un spécialiste en rhumatologie pour affirmer ce diagnostic délicat, préciser le type de spondylarthrite dont il s’agit et mettre en route un traitement enfin efficace.

Un trop long délai diagnostique

La spondyloarthrite était autrefois une maladie responsable d’ossification de la colonne, et donc « ankylosante », mais avec l’amélioration des conditions d’hygiène et les traitements, les malades actuels n’ont le plus souvent pas de lésions radiographiques spécifiques pendant les premières années de la maladie. Cela complique le diagnostic pour les médecins non-spécialistes. Pire, comme il s’agit surtout d’hommes jeunes et actifs, un problème discal banal peut être vu de façon fortuite sur la radiographie, ce qui complique encore le diagnostic.
Enfin, en l’absence de marqueur biologique simple à utiliser (le HLA B27 n’existe pas chez tous les malades et il est retrouvé dans 7 à 8% des cas dans la population générale en bonne santé), les malades s’auto-persuadent et persuadent leurs médecins qu’ils ont une lombalgie commune avec des explications simplistes pour leurs douleurs : « Je viens de déménager ». « J’ai fais un faux mouvement ». « Il faut que je change mon matelas ». La maladie a de plus la réputation de toucher les hommes, alors qu’elle affecte aussi les femmes, sous une forme, souvent encore plus difficile à diagnostiquer.

Remettre en cause les fausses idées

Les dernières études sur la spondylarthrite ont bien démontré qu’il était possible de la mettre en rémission, soit avec des AINS selon un protocole précis, soit si cela ne marche pas, avec des « biothérapies », des anticorps dirigés contre différentes molécules de la cascade inflammatoire (TNF alpha, interleukine 17, interleukine 12/23, phosphodiestérase-4…). Ceci est particulièrement important car cela ne protège pas seulement les malades de l’apparition de lésions osseuses ou d’une ankylose, cela améliore nettement leur qualité de vie et cela réduit aussi le risque de maladies cardiovasculaires, qui sont provoquées par la maladie inflammatoire. Enfin, le traitement, n’est pas forcément définitif, une étude présentée lors du dernier congrès américain a montré que les malades qui étaient mis en rémission profonde avec une biothérapie pouvaient envisager de l’interrompre au bout d’un certain délai.

Une grande enquête européenne sur la spondylarthrite commence en Europe. Elle est importante pour améliorer la compréhension de la maladie à son début et son traitement. Si vous avez des douleurs du dos qui vous réveillent tôt le matin, que vous êtes très raide le matin, que tout cela est soulagé par les AINS et que certaines personnes de votre famille souffrent de la même façon que vous, consultez votre médecin pour qu’il recherche spécifiquement une spondylarthrite.