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Résistance

Antibiotiques : les traitements sont-ils trop longs ?

Par Jonathan Herchkovitch

Des experts remettent en question les recommandations officielles exhortant les patients à toujours aller au bout de leurs prescriptions antibiotiques.

volgariver/Epictura

L’antibiorésistance inquiète les chercheurs et les pouvoirs publics. Les projections les plus alarmistes prévoient déjà la fin de l’utilité des antibiotiques dans le traitement contre certaines bactéries multirésistantes. Des campagnes d’information à destination du grand public ont été mises en place, par exemple pour limiter le recours inutile aux antibiothérapies : « Les antibiotiques, c’est pas automatique ».

Parmi les autres recommandations martelées aux patients : il faut toujours aller au bout du traitement, même si on se sent mieux. Une erreur, d’après des experts britanniques, qui publient une lettre dans la revue BMJ.

Ils estiment que l’idée suggérant que plus la durée de traitement est longue, mieux la maladie sera soignée et moins les bactéries développeront de résistances, émerge des premiers essais de Fleming avec la pénicilline dans les années 1940, et que depuis, cette idée reste ancrée dans l’esprit des médecins.

Des recommandations contre-productives

Ils pensent même justement que « prendre des antibiotiques plus longtemps que nécessaire augmente le risque de résistance ». Un principe que valide Céline Pulcini, professeure d’infectiologie au CHU de Nancy et à l’université de Lorraine, et spécialiste de l’antibiorésistance.

« Dans l’esprit des médecins, prolonger les traitements antibiotiques peut limiter la résistance au niveau de l’infection qui est traitée (par exemple une infection urinaire), estime-t-elle. Mais elle augmente dans le microbiote ». Ce sont donc d’autres espèces de bactéries présentes dans le corps humain qui voient leur résistance se durcir.

Escherichia coli, Entérocoques, Staphylocoques : elles sont présentes sans rendre malade, sauf en cas d’affaiblissement du système immunitaire. Chez toutes ces bactéries qu’on héberge dans notre microbiote, les traitements prolongés favorisent l’antibiorésistance

Revoir les recommandations

Quelle stratégie choisir ? Prolonger le traitement pour tuer les infections, ou réduire leur durée pour limiter l’antibiorésistance de ces bactéries opportunistes ? « Le problème, c’est que nous ne disposons que de peu d’études sur la durée optimale des traitements antibiotiques, explique le Pr Pulcini. Les recommandations sont plus basées sur des habitudes et des avis d’experts.  

En France, elles sont proposées aux praticiens sous forme de « fourchettes » de durée. « Quand les recommandations proposent 7 à 14 jours de traitement antibiotique pour une infection, les médecins auront naturellement tendance à mettre plutôt 14 jours sur leur ordonnance », d’après l’infectiologue.

Elle estime que les recommandations officielles concernant les durées de traitement antibiotique pourraient être revues à la baisse. Un avis de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) va d’ailleurs dans ce sens. Aujourd’hui, la durée de prescription moyenne en ville est située entre 7 et 10 jours. Si cet avis était suivi, elle pourrait probablement être réduite de moitié, d’après le Pr Pulcini.

Comme les experts britanniques, elle aimerait que de véritables études scientifiques sur la durée des traitements soient menées, afin de fixer des recommandations solides.