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Labioplastie

Chirurgie du sexe : une mode qui touche les adolescentes

Par Jonathan Herchkovitch

Une gynécologue britannique alerte sur les cas de plus en plus précoces de jeunes filles qui demandent une labioplastie. 

Dutko/Epictura

Longtemps taboue, la chirurgie esthétique intime se développe. Chez les femmes, le succès de celle des petites lèvres grandit : très marginale il y a encore une quinzaine d’années, elle se classe désormais au 16e rang des opérations esthétiques les plus pratiquées.
En 2016, plus de 138 000 labioplasties auraient été pratiquées dans le monde, d’après les chiffres recueillis par la Société internationale de chirurgie plastique et esthétique (ISAPS). C’est 40 % de plus qu’en 2015.

Avec la démocratisation viennent aussi les dérives. De plus en plus d’adolescentes, voire même parfois des très jeunes filles, se rendent dans les cabinets de chirurgiens pour la demander. Pour le NHS, l’organisation de santé publique britannique, 200 mineures y ont eu recours en 2015 et 2016. Parmi elles, 150 avaient moins de 15 ans.

Même à 9 ans

Une hérésie pour le Dr Naomi Crouch, membre de la Société de gynécologie pédiatrique et adolescente britannique. « Je trouve très difficile à croire que 150 filles présentent une malformation médicale nécessitant une opération des lèvres », explique-t-elle pour la BBC, ajoutant qu’elle n’en a personnellement jamais reçue en consultation. 

Mais certains de ses confrères n’ont pas autant de scrupules, ou cèdent aux demandes de leurs patientes. De jeunes adolescentes, parfois même pré-adolescentes de 11, 10, voire même 9 ans, se rendent en consultation pour demander d’arranger ces petites lèvres qu’elles estiment disgracieuses.

Porno référence

« J’avais l’impression qu’elles n’étaient pas assez nettes et je voulais qu’elles soient plus petites », témoigne pour la BBC Anna, une femme qui a souhaité se faire opérer alors qu’elle n’avait que 14 ans. « J’avais à l’idée qu’elles devaient être symétriques et ne pas sortir. Je pensais que c’est à ça que tout le monde ressemblait, parce que je n’avais encore jamais vu de [sexe féminin] normal auparavant ».

La faute au culte du corps parfait, et notamment de l’image du sexe « normal » véhiculée par la pornographie : des sexes desquels rien ne dépasse, des sexes de Barbie. Et aux chirurgiens, qui ne parviennent pas à convaincre ces jeunes filles, ou le ne souhaitent pas.

Une mutilation

L’intervention est pourtant fortement déconseillée avant 18 ans. Pendant l’adolescence, les organes génitaux continuent à se développer, et elle peut donc s’avérer finalement inutile. Elle est autorisée par le NHS, mais uniquement pour des raisons cliniques, si la taille ou la forme des lèvres provoque des douleurs pendant l’acte sexuel, le sport, ou au gré des frottements avec les vêtements. Des cas de détresse émotionnelle peuvent aussi être acceptés. 

Mais ces arguments sont souvent détournés à des fins esthétiques, exposant ces filles à des risques. En plus de ceux inhérents à toute intervention chirurgicale (anesthésie, hémorragie, infection…), le tissu cicatriciel peut être douloureux. Malgré le manque de recul sur cette pratique récente, il semblerait en plus que le résultat se dégrade avec le temps.

Le Dr Crouch avance un argument troublant pour justifier un refus d’opérer, en osant le parallèle avec les mutilations génitales, évidemment interdites au Royaume-Uni. « La loi nous interdit de pratiquer ces opérations sur des corps en développement, s’il s’agit de raisons culturelles. La culture occidentale moderne a normalisé les lèvres de petite taille, et cachées. Pour moi, cela revient au même ».

 

Pourquoi renoncer à la labioplastie avant 18 ans ?

Le Dr Gail Busby, gynécologue pour adolescentes au St Mary’s Hospital de Manchester (Angleterre), explique pourquoi l’opération avant 18 ans peut s’avérer inutile, voire dangereuse.

- À l’adolescence, les lèvres continuent de grandir, les petites lèvres en premier. Il est donc normal qu’elles soient proéminentes dans un premier temps. Les filles ne doivent donc pas se comparer à des adultes.

- A 18 ans, les grandes lèvres ont poussé à leur tour. Si les filles parviennent à patienter jusqu’à l’âge adulte, l’apparence de leur sexe aura changé, rendant ainsi caduque la raison initiale de cette volonté d’opération.

- La chirurgie provoque des cicatrices. Comme les lèvres continuent de se développer, elles peuvent pousser de manière asymétrique.

- La moitié des filles sont concernées, car c’est une phase normale de développement.