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Acariens, collle, formaldéhyde

Des produits toxiques cachés sous nos draps

Par Cécile Coumau

Les matelas abritent des acariens mais également des produits toxiques  utllisés dans la fabrication de la literie. Pour un bébé dormant 20h par jour, le temps d'exposition est maximal.

POUZET/SIPA
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« Je me souviens très bien de cette jeune femme qui a eu des soucis de santé à cause de son matelas, témoigne Martine Ott, conseillère médicale en environnement intérieur, aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. Enceinte de jumeaux, elle était restée plusieurs mois alitée. Et au bout d’un certain temps, des symptômes neurologiques se sont manifestés. Elle a souffert de céphalées, de troubles de la concentration, etc. Un laboratoire a analysé son matelas : le taux de perméthrine, un insecticide utilisé pour lutter contre les acariens, était très élevé. »
Après avoir changé de literie, ses troubles ont disparu. Martine Ott, qui fait des visites à domicile chez des patients ayant des pathologies respiratoires depuis des années, n’est certes pas souvent confrontée à ce genre de situation mais elles pourraient bien être de plus en plus nombreuses.

Une étude américaine récemment présentée au congrès international sur la qualité de l’air a mis en évidence que les matelas pour bébés contenaient une dizaine de composés organiques volatils, mais aussi des phtalates, ou encore des retardateurs de flammes. Et les matelas neufs sont les plus toxiques. L’Institut américain de l’air intérieur a fait le même constat. Ils ont meublé à neuf une chambre d’enfant et sept jours plus tard, le taux de pollution avait grimpé. Et le matelas à lui seul, concentrait une centaine de produits chimiques différents.

Si les matelas et les oreillers sont de plus en plus soupçonnés d’être des sources de pollution, ce n’est pas seulement parce que nous nous préoccupons davantage de la qualité de notre air intérieur. Le problème, c’est que tous les matelas sont traités contre les acariens, les moisissures, le risque d’inflammation. Or, pour traiter les matelas, les fabricants ont recours à des produits eux-mêmes toxiques.


Ecoutez Martine Ott, conseillère médicale en environnement intérieur à Strasbourg : "Ces produits anti-acariens ne font que rallonger la liste des polluants chimiques".


L’exposition à ces produits toxiques est d’autant plus regrettable que beaucoup de personnes non-allergiques en achètent inutilement. Par ailleurs, les matelas anti-acariens n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. « De toute façon, au bout d’environ un an, le produit anti-acarien se sera complètement évaporé, précise Nathalie Prédonzan, conseillère habitat santé pour la ville de Toulon. Et les acariens trouvent, sous nos couvertures, tout ce qu'il faut pour prospérer.


Ecoutez Nathalie Prédonzan, conseillère habitat santé pour la ville de Toulon : "La transpiration d'un individu pendant une nuit nourrit l'ensemble des acariens d'une literie pendant trois mois !"


Malheureusement, dans notre lit, se cachent d’autres intrus qui peuvent être délétères pour notre santé. Comme pour l’ensemble des meubles, les colles figurent en bonne place dans la liste. Et pour vaporiser cette colle, les fabricants de matelas vaporisent de l’eau, ce qui leur permet d’utiliser les termes « colle à base d’eau ». Pour autant, elle n’est pas inoffensive. Une fois que le mélange a séché, l’eau s’évapore alors que la colle demeure.

Quels risques prenons-nous à nous abandonner dans les bras de morphée ? « Nous ne disposons pas pour le moment d’étude d’impact, indique Nathalie Prédronzan. Ce que nous savons, c’est que les composés organiques volatifs (COV) sont des irritants des voies respiratoires. Et que certaines substances contenues dans la literie sont quand même classées cancérogènes. »
Des travaux menées par le Pr Frédéric de Blay aux hôpitaux universitaires de Strasbourg ont aussi permis de démontrer que les personnes allergiques aux acariens déclenchent des réactions aux allergènes à des taux beaucoup plus bas d’allergènes lorsqu’ils ont été exposés au formaldéhyde. « La pollution potentialise donc la réaction à l’allergène », précise Martine Ott. Les lits ne sont évidemment pas les seuls éléments de notre habitat à contenir du formadéhyde ou d’autres composés organiques volatifs. Mais, la durée d’exposition est évidemment plus importante quand il s’agit d’un matelas plutôt que d’une commode. « Et pour un nourrisson qui dort 20h par jour, il faut être encore plus vigilant, » souligne Martine Ott.

D’ailleurs, beaucoup de jeunes parents s’interrogent au moment d’acheter le matelas de leur bébé. Les conseillères en environnement préconisent donc de partir à la recherche d’un matelas qui n’aura pas été traité au préalable. « Le problème, c’est qu’il n’y a pour le moment aucune transparence sur les matériaux qui composent un matelas », regrette Nathalie Prédronzan. Plusieurs fabricants commencent à proposer des matelas dits écologiques mais « le bio, ce n’est pas une garantie, souligne Martine Ott. Les peintures bio par exemple, contiennent parfois pas mal de solvants ». Autre conseil : sortir le matelas de son emballage à l’extérieur de l’habitation et si possible le laisser à l’air libre par temps chaud une quinzaine de jours. Une partie des COV se sera ainsi évaporée. Ensuite, l’aération quotidienne de la chambre est indispensable. Pour les allergiques, seule une housse homologuée qui recouvre complètement le matelas fournira une barrière efficace contre les acariens… mais aussi contre les COV, comme l’a démontré la dernière étude présentée au congrès international contre l’air intérieur.