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Dépenses de santé

Médicaments : Marisol Touraine veut encadrer l’accès à l’innovation

Par Audrey Vaugrente

L'accès aux innovations thérapeutiques est trop coûteux. Le ministère de la Santé propose de créer un fonds dédié aux dépenses de santé hors autorisation de mise sur le marché.

neko92vl/epictura

La ministre de la Santé veut changer les règles de l’innovation thérapeutique. C’est le sens d’une proposition émise par Marisol Touraine, dans le cadre de la réduction des dépenses de santé. Inscrite dans le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS 2017), elle suggère une évolution des autorisations temporaires d’utilisation (ATU).

Ces autorisations dérogatoires sont accordées à certains médicaments en attendant une mise sur le marché (AMM). Le sofosbuvir, le nivolumab ou encore le propranolol en ont bénéficié. Mais à cette étape, c’est le laboratoire qui fixe le prix de son produit. Selon les années, les coûts varient donc fortement. Or, les dépenses de santé doivent être mieux maîtrisées. En 2016, ce secteur a occasionné des frais non négligeables, 33 milliards d’euros.

Des maladies graves sans traitement

L’objectif est à la stabilité mais, sur le long terme, des économies doivent être réalisées. Plusieurs propositions sont émises pour y parvenir dans le PLFSS 2017. L’une d’entre elles cible un outil d’accès à l’innovation thérapeutique : l’ATU, mise en place en 1986. Ce système est précieux à de nombreux patients, car il donne un coup d’accélérateur à la mise à disposition des molécules innovantes.
En 2014, les nouveaux antiviraux d’action directe (NAAD), qui guérissent l’hépatite C, ont bénéficié de ce régime. Dans les faits, il profite surtout à des pathologies graves telles que les maladies neurologiques, infectieuses – comme le Sida – ou encore les cancers.

Et pour cause : l’ATU répond à des critères précis. Le médicament doit s’adresser à des patients atteints de maladies graves ou rares, qui ne disposent pas d’un traitement approprié, mais surtout qui ne peuvent pas attendre l’AMM. Dans le cas des cancers, par exemple, leur survie entre en jeu. Lors de l’examen du dossier, la Haute Autorité de Santé se charge de juger si les arguments avancés par le laboratoire sont justifiés. Si l’innovation est avérée, le précieux sésame est accordé.

15 ATU de cohorte en cours

Mais le cadre impose aussi que l’efficacité de la molécule soit présumée positive. En retour de cette mesure exceptionnelle, le laboratoire s’engage à déposer rapidement une demande d’AMM. Deux régimes sont alors possibles : une ATU délivrée au cas par cas (nominative) ou s’adressant à un groupe précis (de cohorte). Dans ce dernier cas, les conditions d’éligibilité sont fixées au préalable. Les coûts sont pris en charge par la collectivité.

Le protocole est certes complexe mais il reste très régulièrement sollicité. Depuis sa mise en place, l’ATU de cohorte a été délivrée à plus de 150 médicaments. A l’heure actuelle, 15 sont encore en vigueur. « Une ATU de cohorte dure jusqu'à tant que le produit soit disponible conformément à son AMM, soit généralement 3 mois après la notification de l'autorisation de mise sur le marché », précise l'Agence nationale de sécurité du médicament, contactée par Pourquoidocteur. 

Un premier défaut apparaît à ce stade. La mise sur le marché peut ne concerner qu’une indication, mais l’ATU sera systématiquement levée. Certains patients se trouvent alors sans alternative thérapeutique. Au temps pour l’accès à l’innovation. Le PLFSS propose donc un assouplissement : l’autorisation resterait en vigueur tant qu’aucune solution n’est proposée aux patients de la cohorte.

Absorber les coûts

Le système profite donc aux patients, mais aussi aux industriels. En effet, au cours de la période pré-AMM, la fixation des prix des médicaments est libre. Le problème a notamment été soulevé avec le sofosbuvir, dont le coût atteint 41 000 euros par cure de 12 semaines. Qui aurait pensé que l’innovation coûterait si cher ?

L’Etat a bien mis en place un mécanisme de compensation. Après la négociation avec l’organisme chargé de fixer les prix (CEPS), le laboratoire rembourse la différence avec celui pratiqué sous ATU. Mais ce n’est pas systématique. Il arrive régulièrement que les producteurs négocient des ristournes pour ne pas avoir à verser d’argent. Avec des pertes sèches pour l’Assurance maladie. C’est justement ce système que le ministère de la Santé veut voir évoluer.

Le PLFSS 2017 suggère donc la création d’un fonds de financement de l’innovation pharmaceutique. Il permettrait d’absorber plus efficacement les variations des prix. « Ce fonds aura pour mission de prendre en charge l’ensemble des dépenses liées à la liste en sus, aux dispositifs d’autorisation temporaire d’utilisation et post-ATU, aux médicaments rétrocédés par les pharmacies à usage interne des établissements hospitaliers », précise le document. L’encadrement pourrait s’assouplir d’un côté, après la mise sur le marché, et se raffermir de l’autre, celui des prix. Encore faut-il définir les contributeurs de ce fonds. Ce qui n’est pas précisé dans le PLFSS présenté à la presse, ce 23 septembre.