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Taxe "Nutella"

Faut-il craindre l’huile de palme ?

Par Raphaëlle Maruchitch

Le Sénat a adopté un amendement pour augmenter la taxe sur l’huile de palme. Largement utilisée dans les plats préparés et les gâteaux industriels, l’huile reste à consommer avec modération.

DURAND FLORENCE/SIPA

C’est le Nutella qui fait figure d’ambassadeur de ce nouvel amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Adopté par la commission des Affaires sociales du Sénat qui invoque des raisons de santé publique, il a pour objet d’augmenter de 300% la taxe sur l’huile de palme, présente entre autres dans la célèbre pâte à tartiner.
Cette taxe spéciale concerne plus précisément l’huile de palme, l’huile de palmiste et l’huile de coprah. Les deux premières sont issues du palmier à huile, la troisième de la noix de coco. Elles ont en commun d’être composées d’acides gras saturés, que l’on taxe parfois de « mauvais gras ».
Alors, l'huile de palme est-elle mauvaise pour la santé, comme le laisse entendre le sénateur PS Yves Daudigny, auteur de l'amendement ?

En 2010, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) réévaluait ses recommandations en termes d’apports nutritionnels conseillés (ANC) pour les acides gras. Elle préconise que « la somme des apports en ces acides gras ne dépasse pas 8% de l’apport énergétique ». L'Agence relève par ailleurs que « les acides gras saturés notamment constitués d’acides laurique, myristique et palmitique sont, en excès, athérogènes », c’est-à-dire qu’ils favorisent le dépôt de plaques riches en cholestérol sur la paroi interne des artères. En prenant en compte l’ensemble des acides gras, l’apport énergétique total ne doit pas dépasser 12%.
Déjà en 2010, l’Anses indiquait que le niveau moyen de consommation des français était excessif avec 16% des ANC.
« L’huile de palme comprend 50% d’acides gras saturés », explique pour sa part le Dr Patrick Serog, nutritionniste. Ces acides gras saturés ne sont pas indispensables à notre organisme.

Ecoutez le Dr Patrick Serog, médecin nutritionniste : « L’acide palmitique contenu dans l’huile de palme peut, en grande quantité, entrainer des lésions d’athérosclérose mais en quantité raisonnable elle n’est pas dangereuse ».

 

Si l’huile de palme est employée dans de nombreux produits agro-alimentaires, rappelons que les acides gras saturés sont présents dans bien d’autres produits de consommation courante, comme les produits laitiers ou la charcuterie.


Ecoutez le Dr Mariette Gerber, médecin épidémiologiste, chercheur retraitée de l’Inserm, membre du Conseil national de l’alimentation : « S’il existait des profils nutritionnels, les aliments qui contiennent de l’huile de palme seraient à consommer avec modération comme tous les aliments contenants des acides gras saturés ».

 

Pourquoi l’huile de palme est-elle aussi largement utilisée dans le domaine agroalimentaire, en particulier dans les plats préparés ? Les acides gras saturés diffèrent des acides gras insaturés de par leur structure chimique, qui leur confère la propriété physique d’être figées à température ambiante.
De plus, l’emploi d’huile de palme permet d’éviter l’utilisation d’huiles hydrogénées à l’origine d’acides gras trans, dont les études épidémiologiques ont montré « qu'une consommation excessive (apports supérieurs à 2% de l'apport énergétique total) est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire » d’après l’Anses. Par ailleurs, l’huile rancit moins vite que le beurre, et enfin, elle est très bon marché.

Ecoutez Alain Rival, correspondant de la filière palmier à huile au sein du Cirad (1): « C’est du pain bénit pour les industriels, une sorte de produit magique, naturel et abondant ». 

 

Les recommandations s’accordent : la consommation d’huile de palme doit rester raisonnable, c’est-à-dire s’inscrire dans le cadre d’une alimentation variée. « L’idéal serait de remplacer l’huile de palme par une huile moins saturée, comme le tournesol ou l’arachide », note le Dr Patrick Serog. En résumé, « il faut mieux préférer l’éducation du consommateur », conclut le Dr Mariette Gerber. Le ministre de la Santé ne dit pas autre chose en faisant part de ses réserves sur le bien-fondé de cet amendement. « Il est normal de s'occuper de l'impact sur la santé de l'huile de palme, a déclaré Marisol Touraine sur le plateau de Canal plus, mais je ne suis pas certaine que ce soit à l'occasion d'un amendement purement financier que l'on puisse engager le débat ».

 

(1) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement