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8e Conférence sur la pathogénèse du VIH

Sida : le rôle des traitements précoces dans les cas de rémission

Par Stéphany Gardier

Contaminée à sa naissance, et traitée jusqu'à ses 6 ans, une jeune femme est en rémission depuis 12 ans. Un cas unique au monde, révélé à la 8e Conférence internationale du VIH.

DURAND FLORENCE/SIPA
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Une jeune Française de 18 ans et demi met en émoi la sphère médico-scientifique depuis qu’une équipe de recherche a dévoilé son existence, ce lundi à la 8e Conférence internationale sur la pathogenèse du VIH (IAS), qui se tient à Vancouver. Il est vrai que son histoire est exceptionnelle : cette jeune femme née séropositive est en rémission depuis 12 ans, alors qu’elle ne prend plus aucun traitement depuis ses 6 ans. Un cas unique au monde, « un fait clinique majeur qui ouvre de nouvelles perspectives de recherche », selon le Pr Jean-François Delfraissy, directeur de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS).

 

Une guérison "fonctionnelle"

Née en 1996, la jeune femme a été contaminée par sa mère séropositive, durant la grossesse ou au cours de l’accouchement. Traitée par antirétroviraux dès sa naissance, elle ne reçoit plus de traitement à partir de 2002, date à laquelle l’équipe médicale qui la suit « la perd de vue ». Un an plus tard, ses parents reviennent consulter, et là, surprise, la charge virale de la petite fille est indétectable. Les médecins décident de ne pas reprendre le traitement et de suivre la petite fille très régulièrement. Douze ans plus tard, la jeune femme se porte bien et est toujours en « guérison fonctionnelle » : « Cette rémission ne doit toutefois pas être assimilée à une guérison, prévient le Pr Delfraissy. Cette jeune femme reste infectée par le VIH et il est impossible de prédire l’évolution de son état de santé. »

Les spécialistes attirent aussi l'attention des patients sur les risques liés à un « arrêt sauvage » de leur traitement : « Les patients ne ressentent pas d'effets lorsqu'ils stoppent la prise d'antirétroviraux, mais cela ne signifie pas que qu'il ne se passe rien, bien au contraire, insiste Dr Pierre Frange, du service de microbiologie de l'Hôpital Necker-Enfants malades, AP-HP. L'augmentation de la charge virale peut les rendre très vulnérables à différentes infections, et le VIH peut développer une résistance au traitement. »

 

20 cas adultes connus en France

Le parcours médical de cette jeune femme est connu dans son intégralité, puisqu'elle avait été incluse dès sa naissance dans la cohorte pédiatrique, coordonnée par Pierre Frange : « Le statut sérologique de cette jeune femme est aujourd'hui comparable à ceux des patients de la cohorte Visconti », explique le médecin.

Cette cohorte, coordonnée par le Pr Christine Rouzioux, virologue à l'Hôpital Necker, inclut 20 patients, contaminés à l'âge adulte, traités précocement (dans les 2 à 3 mois après l'infection), traités pendant 3 à 4 ans, et en rémission depuis l'arrêt de leur traitement. « Cette cohorte française est unique au monde, et nous allons prochainement l'élargir, explique le Pr Rouzioux. Grâce à des accords avec l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne, nous allons fonder une version internationale de la cohorte, I-Visconti. »

 

L'importance du traitement précoce

Entre 7 et 15 % des patients traités rapidement après l'infection pourraient avoir le « statut Visconti ». Les mécanismes qui permettraient d'expliquer ces cas de rémission ne sont pas encore connus : « Nous n'avons mis en évidence aucune prédisposition génétique, aucun critère particulier, ni une infection par des virus moins actifs, qui pourraient expliquer ce "statut Visconti" », explique Christine Rouzieux. Cependant, une chose est sûre : la précocité de la mise en place du traitement est fondamentale. « Parmi les personnes qui ont reçu des antirétroviraux alors qu'elles étaient déjà dans la phase chronique de l'infection, aucune rémission n'a jamais été observée », souligne Pierre Frange. Les antirétroviraux permettraient en phase précoce de limiter la constitution d'un réservoir viral, et donc de limiter ensuite la progression vers le stade sida, symptomatique. « Les résultats des travaux que nous avons présentés en début d'année suggèrent que le traitement précoce aurait permis de procurer une protection particulière au système immunitaire dit "inné" des patients », détaille le Pr Rouzioux.

Point important pour les spécialistes, les patients de l'étude Visconti, tout comme cette jeune femme, ont été traités dans les années 1990, donc avec des antirétroviraux de première génération : « Ces rémissions ne sont pas liées à l'utilisation de molécules récentes ; les médicaments qui sont actuellement les moins chers et les plus facilement accessibles dans le monde sont donc efficaces, commente Christine Rouzieux. Ils ont cependant des effets secondaires plus importants que les traitements de dernière génération. »

Améliorer le dépistage

Pour traiter les patients en phase de primo-infection, encore faut-il qu'ils soient diagnostiqués. Alors que l'ONUSIDA saluait récemment une nette amélioration de l'accès aux traitements, même dans les pays à faibles ou moyens revenus, le dépistage reste, lui, encore problématique. En France, environ 30 000 personnes vivraient infectées par le VIH sans le savoir.

Du côté des enfants, les contaminations de la mère à l'enfant ont nettement diminué dans tous les pays développés : « En France, nous ne recensons que 5 à 10 cas par année, précise Pierre Frange. Et il y a une grande hétérogénéité des mères concernées », précise Pierre Frange. En juin dernier, l'Organisation mondiale de la santé avait même révélé que Cuba était le premier pays au monde à avoir éradiqué la transmission du VIH de la mère à l'enfant.

 

Mississippi baby
L’histoire de cette jeune Française n’est pas sans rappeler le cas du « Mississippi Baby », largement médiatisé en 2013. Une petite fille américaine, née en 2010, avait été contaminée à la naissance par sa mère. Prise en charge immédiatement, le nourrisson avait été placé sous traitement antirétroviral 30 heures après sa naissance. La thérapie avait été arrêtée par la mère de l’enfant un an et demi plus tard. Or, à 23 mois, la petite fille ne présentait plus de signes d’infection, elle était dans un état de « guérison fonctionnelle ». Mais à l’été 2014, les médecins qui la suivaient ont fait savoir que la charge virale avait à nouveau augmenté, mettant fin à une rémission d’une trentaine de mois.

La raison de l’échec de cette rémission n’est pas connue, cependant, la durée trop courte du traitement pourrait avoir joué. « Le traitement de la primo-infection diminue le réservoir viral pendant au moins quatre années, explique Christine Rouzioux. Un traitement de primo-infection qui durerait moins longtemps diminue encore les probabilités de survenue d’une rémission. » Une durée qui pourrait être encore plus importante chez les nourrissons dont le système immunitaire n’est pas mature. « La maturation de l’immunité prend au moins 12 mois ; en arrêtant le traitement trop tôt, il est possible que les cellules immunitaires n’aient pas été suffisamment protégées », ajoute le Pr Rouzioux.