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La Santé en Questions

Recherche : Emmanuel Macron annonce "une vraie révolution"

Par Thierry Borsa

Le président de la République a dévoilé le 7 décembre la feuille de route pour une réorganisation de la recherche scientifique. Un domaine où la France a perdu de son avance ces dernières années. 

iStock/gorodenkoff
Emmanuel Macron a lancé les travaux de réorganisation de la recherche pour refaire de la France "une grande nation de savoirs".
Notre pays est passé de 2005 à 2018 de la 6ème à la 9ème place mondiale dans ce domaine.
Redéfinition des rôles des organismes de recherche, simplification administrative et relance de l'autonomie des universités sont au programme.

L’absence de réussite de la France dans la course au vaccin contre la Covid-19 sera-t-elle finalement une humiliation bénéfique et le déclencheur d’une véritable nouvelle ère pour la recherche dans notre pays ? C’est en tout cas en soulignant cette "étrange défaite" que la président de la République a lancé le jeudi 7 décembre 2023 les grands travaux censés réorganiser la recherche publique en France.

Au programme, la fin du "morcellement désordonné qui nous prive de nous concentrer sur de grands défis partagés", une redéfinition des missions des grands organismes de recherche, CNRS, Inserm, Inrae et CEA, que le président veut transformer en véritables "agences de programmes stratèges dans leur domaine", un coup de balai annoncé contre les lourdeurs d’une bureaucratie "qui mange énormément de temps de recherche" et la relance du sujet de l’autonomie des universités déjà engagé par la loi Pécresse d’août 2007.

La recherche française a reculé du 6ème au 9ème rang mondial

Vaste ambition qui vise à enrayer le recul de la France dans ce domaine alors que notre pays est passé entre 2005 et 2018, selon le HCERES -Haut Conseil d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur-, du 6ème au 9ème rang dans le monde "en termes de volume mais aussi de qualité des publications".

Des intentions qui annoncent, selon le chef de l’Etat, une "vraie révolution" et qui répondent aux critiques souvent formulées par les acteurs de la recherche scientifique. "Nous avons d’excellents chercheurs dans notre pays, on aurait pu développer un Moderna en France… ", regrettait récemment dans l’émission "La Santé en Questions" sur Fréquence Médicale et Pourquoi Docteur le Pr Christian Bréchot, ancien patron de l’Inserm et de l’Institut Pasteur, parti aux Etats-Unis présider le Global Virus Network. Des propos prémonitoires aux déclarations d’Emmanuel Macron et qui rappelaient que si la France avait découvert la technique de l’ARN messager, aucun de ses laboratoires n’avait été capable de mettre au point le vaccin contre la Covid-19.

"Le problème de la recherche médicale en France, c’est que l’on favorise le saupoudrage au détriment de l’efficacité", déplorait lui aussi le 3 décembre Jean-Charles Lambert, directeur de recherche à l’Inserm, réagissant sur Pourquoi Docteur aux propos de Christian Bréchot.

Des raisons d'espérer pour le monde de la recherche

Alors, la "révolution" promise par le président de la République pourra-t-elle vraiment redonner une place d’honneur à la France dans ce domaine ? "Le fait que l’on puisse coordonner l’ensemble des acteurs, c’est plutôt une bonne idée", a répondu à l’Agence France Presse au lendemain de l’intervention présidentielle Antoine Petit, PDG du CNRS. Et l’engagement présidentiel apparaît aussi comme une réplique au Pr Christian Bréchot qui regrettait jusque-là "l’absence d’un courage politique pour dire ‘on va changer le système en profondeur’ et non pas encore rajouter quelque chose".

Autre raison d’espérer pour le monde de la recherche, la volonté d’Emmanuel Macron de générer à travers ces travaux un "choc de confiance" pour les chercheurs en les débarrassant d’une bureaucratie envahissante. "On passe nos journées à chercher de l’argent mais surtout à écrire des rapports d’évaluation, chercheur, c’est le métier le plus évalué au monde, cela devient ridicule, cela peut prendre jusqu’à 30% de notre temps de travail", expliquait en effet Jean-Charles Lambert en accusant le système d’avoir "déplacé le volume de travail lié aux charges administratives des institutions vers les équipes de recherche".

La France encore loin des 3% de son PIB consacrés à la recherche

Mais quid des moyens permettant à la France de rester, comme le souhaite le chef de l’Etat, "une grande nation de savoirs" ? "Avec quel budget ?", a en effet réagi auprès de l’AFP Catherine Nave-Bekhti de la CFDT Education Nationale après l’intervention présidentielle au cours de laquelle les questions d’argent n’ont pas été abordées au-delà du rappel des investissements prévus dans la loi de programmation de la recherche 2021-2030.

Si dans le cadre de l’élaboration du budget 2024 celui du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a bénéficié d’une augmentation de 1,2 milliards d’euros, la France reste, avec 2,1% de son PIB consacré à ce domaine, loin de l’objectif de 3% fixé par l’Union Européenne. Pas de quoi rassurer les chercheurs, Jean-Charles Lambert en tête : "Dans le financement par projet, les sommes accordées sont trop faibles, les choses seraient plus faciles si l’objectif de 3% du PIB était respecté … ".