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Cardiologie

Prédisposition à l’insuffisance cardiaque : gare à l’aspirine !

Par Charlotte Arce

Selon une nouvelle étude publiée par la Société européenne de cardiologie, prendre de l’aspirine peut augmenter jusqu’à 26 % le risque d’insuffisance cardiaque chez les patients présentant au moins un facteur de risque qui les prédispose à cette affection.

Serhii Moiseiev/iStock
Chez les patients présentant des facteurs de risque à l'insuffisance cardiaque comme l'hypertension artérielle, l’obésité, le diabète ou encore le tabagisme, la prise d'aspirine pourrait augmenter de 26 % le risque de développer cette affection. 
Les auteurs de l'étude invitent les praticiens à prescrire avec prudence de l'aspirine aux patients souffrant d'insuffisance cardiaque ou en présentant des facteurs de risque.

Touchant plus de 65 millions de personnes dans le monde, dont un million de personnes en France, l’insuffisance cardiaque est caractérisée par une incapacité chronique du cœur à pomper suffisamment de sang ou à le pomper assez fort pour apporter l'oxygène nécessaire à l'organisme. L’insuffisance cardiaque est aujourd’hui la principale cause d'hospitalisation chez les personnes de plus de 65 ans, et les facteurs de risque de ce trouble comprennent l'hypertension artérielle, l’obésité, l'hypercholestérolémie, le diabète, les maladies cardiovasculaires, le tabagisme ou encore les antécédents familiaux.

Or, selon une nouvelle étude publiée dans ESC Heart Failure, un journal de la Société européenne de cardiologie (ESC), les personnes présentant au moins un de ces facteurs de risque peuvent accroître considérablement leur risque de développer une insuffisance cardiaque si elles prennent de l’aspirine. "Bien que ces résultats demandent à être confirmés, ils indiquent que le lien potentiel entre l'aspirine et l'insuffisance cardiaque doit être clarifié", souligne l’auteur de l’étude, le Dr Blerim Mujaj, de l'Université de Fribourg, en Allemagne.

26% de risque supplémentaire d’insuffisance cardiaque

L’étude, appelée HOMAGE, a porté sur 30 827 personnes à risque de développer une insuffisance cardiaque, résidant en Europe occidentale et aux États-Unis. Tous les participants étaient âgés de 40 ans et plus et ne souffraient pas d'insuffisance cardiaque au départ. La consommation d'aspirine a été enregistrée lors de l'inscription et les participants ont été classés comme utilisateurs ou non-utilisateurs. Les participants ont été suivis pour la première incidence d'insuffisance cardiaque fatale ou non fatale nécessitant une hospitalisation.

Au début de l’étude, 7 698 participants (25 %) ont indiqué prendre de l’aspirine. Au cours des 5,3 années de suivi, 1 330 participants ont développé une insuffisance cardiaque.

Les chercheurs ont évalué l'association entre la prise d'aspirine et l'apparition d'une insuffisance cardiaque après ajustement en fonction de différents indices et facteurs de risques et ont constaté que la prise d'aspirine était indépendamment associée à une augmentation de 26 % du risque de diagnostic d'insuffisance cardiaque.

Pour vérifier la cohérence des résultats, les chercheurs ont répété l'analyse après avoir apparié les facteurs de risque d'insuffisance cardiaque des utilisateurs et des non-utilisateurs d'aspirine. Les résultats se sont à nouveau vérifiés et ce, même après avoir exclu les patients ayant des antécédents de maladie cardiovasculaire. Chez 22 690 participants (74 %) exempts de maladie cardiovasculaire, la prise d'aspirine était associée à un risque accru de 27 % d'insuffisance cardiaque incidente.

Un médicament à prescrire avec prudence

"Il s'agit de la première grande étude à examiner la relation entre l'utilisation de l'aspirine et l'insuffisance cardiaque incidente chez des personnes atteintes ou non d'une maladie cardiaque et présentant au moins un facteur de risque", explique le Dr Mujaj, qui rappelle que l’aspirine est un médicament couramment utilisé. Un participant à l’étude sur quatre le prenait, ce qui a été associé à l’insuffisance cardiaque, indépendamment des autres facteurs de risque.

"De grands essais randomisés multinationaux chez des adultes à risque d'insuffisance cardiaque sont nécessaires pour vérifier ces résultats. En attendant, nos observations suggèrent que l'aspirine devrait être prescrite avec prudence chez les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque ou présentant des facteurs de risque pour cette affection", conclut le chercheur.