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Témoignage

Report des concours pour les étudiants : "Je ressens une baisse de motivation"

Par Floriane Valdayron

Avec les mesures mises en place pour tenter d'enrayer la propagation du Covid-19, nombre d'étudiants sont confrontés au report de leurs examens. C'est notamment le cas des candidats aux concours Paces (première année commune aux études de santé), dont la deuxième partie aurait dû se dérouler en mai. Juliette, 18 ans, témoigne. 

AdamGregor/iStock

Les concours Paces déterminent le passage en deuxième année de médecine. Les places sont chères : le classement aux épreuves est décisif. Celles-ci sont séparées en deux parties : elles se tiennent d'abord à la fin du premier semestre, puis au terme du second. Ainsi, si la dernière moitié du concours aurait dû avoir lieu en mai, elle a été réorganisée différemment selon les établissements, à l'issue de l'annonce du ministère de l'Enseignement supérieur, le 24 mars dernier. Juliette, étudiante en première année de médecine à l'université Paris Diderot, témoigne.

On sait que l'on doit travailler, mais on n'en peut plus

"En début d'année, le rythme était assez continu : on nous disait qu'il fallait travailler plus de 10 heures par jour. Clairement, personne ne le faisait. Puis, c'est venu tout seul. Au cours du premier semestre, je travaillais 8 à 9 heures par jour, avant qu'il y ait eu un moment où l'on craquait tous un peu : on travaillait uniquement 4 à 5 heures par jour car on était épuisés. C'est ça, la première année de médecine : on sait que l'on doit travailler, mais on n'en peut plus.

Avant la crise, mon temps se répartissait entre la prépa, où je n'allais pas souvent, seulement 4 heures par semaine, et la fac, où je ne me rendais que pour les concours blancs. On nous a dit que le deuxième semestre allait être long, qu'on aurait le temps de travailler avant la seconde partie du concours. Malheureusement, je ne pensais pas que cela durerait autant : quand on nous a annoncé que le Paces allait être décalé, on était dégoutés parce qu'on était censés avoir quatre mois de vacances, qui auraient dû être les meilleures de notre vie.

On ne sait toujours pas ce qu'il se passera exactement 

Avec le confinement, ce qui était le plus dur était de ne pas avoir les informations : ils ont changé plein de fois la date des épreuves, leur durée et leur lieu. La deuxième partie du Paces aurait dû se tenir le 5 mai. Au début de la crise, on nous a dit que la date ne bougerait pas, puis, qu'en réalité, elle serait peut-être décalée à juillet. Ensuite, on nous a parlé de la dernière semaine de juin, pour la fixer finalement au 17 juin. En parallèle, c'était stressant de voir que plusieurs facs, comme celle de Toulouse, avaient remplacé les épreuves sur trois jours par une seule d'1h30.

Avec les étudiants que je connais, on a eu très peur que ce soit le cas pour nous aussi. Pour l'instant, à Diderot, on ne sait toujours pas ce qu'il se passera exactement. La fac nous a envoyé un message le 19 mai pour nous dire que le concours aura lieu sur trois jours au lieu de deux, c'est tout. Normalement, on devrait le passer au Bourget, en Seine-Saint-Denis, mais on passe les épreuves avec Descartes. Or, pour les étudiants de cette fac, le lieu a été modifié, donc peut-être que ce sera le cas pour nous aussi.

On n'en voit jamais la fin

On reste dans l'incertitude : on n'est pas à l'abri d'un nouveau changement. C'est compliqué, notamment pour les hôtels que l'on doit réserver pour dormir sur place afin d'être à l'heure, tôt dans la matinée. En parallèle, je ressens une baisse de motivation. Quand on nous a annoncé que le concours allait être décalé, on a tous un peu arrêté de travailler car on était dégoutés. Il y a plein d'après-midis pendant lesquelles j'abandonne. Je me dis que j'ai le temps, alors qu'en réalité, quand on s'arrête ne serait-ce qu'une journée, on prend du retard.

Même si le rythme semble plus cool, c'est d'autant plus pénible : on n'en voit jamais la fin. Puis, j'ai peur que la date soit encore décalée, qu'avec une deuxième vague on passe le concours en août. Maintenant, on commence à sentir le stress du concours qui approche, on reprend un rythme normal : 9 heures de travail par jour, le week-end inclus. Par exemple, en mai, on avait des cours même les jours fériés.

J'ai peur que cela puisse me pénaliser 

Je me suis préparée pendant un an. Je suis assez dégoutée que les épreuves soient décalées car j'ai été très bien classée aux examens du premier semestre : je suis arrivée 54 sur 1 500. Le Paces consiste à apprendre un maximum de choses pour ne pas être en retard par rapport aux autres. Or, avec le délai supplémentaire dû au report des épreuves, tout le monde aura le temps de combler ses lacunes et personne ne sera en retard. Cela veut dire qu'une toute petite erreur fera perdre aux étudiants bien classés une trentaine de places. 

Cela rajoute beaucoup de stress, d'autant qu'en prépa, des professeurs rassurent les élèves en leur disant que le classement se joue à rien et que ceux qui n'avaient pas une bonne position lors du premier semestre pourront remonter au deuxième. J'en ai même entendu dire que les mieux classés descendaient le plus, au final. En parallèle, les cours vidéo sont beaucoup moins bien que les traditionnels : il est plus difficile de poser ses questions. J'ai peur que cela puisse me pénaliser.

C'est beaucoup de stress, tout le temps

Malgré tout, j'essaie de relativiser : j'ai environ 14 de moyenne, tandis que ceux qui ne sont pas classés tournent autour de 12. Il faudrait vraiment que je me loupe le jour J pour ne pas passer, mais c'est beaucoup de stress, tout le temps. Le fait que l'on soit dans l'incertitude pour énormément de paramètres en rajoute. On travaille, sans même vraiment savoir où on en est pour les classements, puisqu'on nous a annoncé dans la semaine du 18 mai que seuls les 337 premiers seront pris. 

On est dégoutés, car cela veut dire que Paris a perdu des places alors qu'on nous avait dit plus tôt qu'ils devaient les augmenter. En parallèle, plein de pétitions tournent dans tous les sens pour changer les dates des épreuves. Certains disent que ce n'est pas juste pour ceux qui ne peuvent pas travailler chez eux : ils aimeraient que le concours soit reporté. En somme, rien n'est joué, mais le stress et la pression continuent d'augmenter".