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QUESTION D'ACTU

12 000 couples étudiés

L'âge du père pèse sur la procréation assistée

Une étude française révèle que les couples ayant recours à une insémination artificielle, ont trois fois plus de risques de se retrouver confrontés à une fausse-couche quand le père a plus de 40 ans.





Yves Montand a connu la joie d'être père à 67 ans. Charlie Chaplin a eu son dixième enfant à plus de 70 ans. Quant à Anthony Quinn, c'est le champion toutes catégories puisqu'il avait 81 ans d'écart avec son petit dernier. Le commun des mortels a-t-il intérêt à suivre l'exemple de ces stars ? Pas si sûr à en croire l'étude française présentée le 7 juillet à Barcelone, lors du congrès de la Société européenne de reproduction et d'embryologie humaine (ESHRE).
Le Dr Stéphanie Belloc du centre d'aide médicale à la procréation Eylau à Paris, a étudié 21 239 inséminations artificielles intra-conjugales effectuées chez 12 236 couples entre janvier 2002 et décembre 2006. « Nous avons observé chaque paramètre lié au sperme, explique le Dr Paul Cohen-Bacrie, directeur du laboratoire. Et finalement, c'est le facteur âge qui a l'impact le plus fort. Nous ne nous attendions pas à de tels résultats ».
Concrètement, le taux de fausse-couche atteint les 35% quand le père a plus de 40 ans alors qu'il tourne autour des 10 à 15% lorsqu'il est âgé de moins de 30 ans. L'impact sur le taux de grossesse, bien que plus faible, est aussi réel. Avant 40 ans, le taux d'inséminations artificielles débouchant sur une grossesse est de 13, 4%. Il chute à 10, 9% lorsque l'homme a quatre ans de  plus. Il faut alerter les couples.

Cette étude n'est pas la première du genre. « D'ailleurs, les Cecos (1) ne recrutent pas de donneurs de sperme au-delà de 45 ans », indique le Dr Françoise Merlet, référente pour les activités d'AMP à l'Agence de biomédecine. Il n'empêche. « Ce sujet reste tabou et le message ne passe pas dans le public », affirme le Dr Joëlle Belaisch-Allart, vice-présidente de la Société française de gynécologie.
Cette étude de grande ampleur a donc le mérite d'enfoncer le clou. Et le Dr Cohen-Bacrie, co-auteur de l'étude, espère que « les gynécologues vont s'en saisir, modifier un peu leur discours et ne pas alerter les couples que sur l'âge de la femme. » L'équipe du laboratoire Eylau estime aussi que ces chiffres inciteront à pousser les examens exploratoires pour choisir la bonne technique d'AMP. « Nous pensons que l'utilisation de la FIV ou de l'Icsi devrait même être suggérée aux couples stériles dont l'un ou l'autre membre a plus de 40 ans », déclare le Dr Belloc.

Ces travaux remettent aussi sur le devant de la scène la question d'un éventuel âge limite pour les hommes dans l'accès aux techniques d'AMP. Les nouvelles règles de bonnes pratiques sur l'aide médicale à la procréation parues en mai dernier avaient renoncé à un tel couperet parce que « nous n'avions pas réussi à trouver un consensus sur l'âge limite », relate le Dr Merlet. « En fait, nous avons eu une hostilité d'un certain nombre de gynécologues hommes, révèle le Dr Belaisch-Allart. En revanche, nous étions quelques femmes à souhaiter que ces règles de bonnes pratiques évoquent l'âge des hommes. Notamment parce que la loi stipule juste qu'il faut être en âge de procréer, ce qui ne veut rien dire. » La parution d'une étude démontrant que l'horloge biologique tourne aussi pour les hommes fait sourire plus d'une femme. Un certain rééquilibrage des responsabilités dans les problèmes de fécondité n'est pas pour leur déplaire.
(1) Centre d'étude et de conservation des oeufs et du sperme.



Questions au Dr Joëlle Belaisch-Allart,
vice-présidente de la Société française de gynécologie 
 

Fixer une limite d'âge pour les hommes dans l'AMP
 



Etes-vous surprise par les résultats de cette étude française ?
Dr Joëlle Belaisch-Allart
. Non, pas vraiment. Plusieurs études ont déjà mis en évidence les effets de l'âge de l'homme sur les chances de grossesse, ainsi que sur les risques de malformation. Mais, jusqu'à maintenant, les études avaient démontré que ces effets se faisaient sentir vers 45 ans. Or, la grande étude française menée par le centre d'aide médicale à la procréation d'Eylau tend à prouver que la barre se situerait plutôt autour de 35 ans.

Pourquoi ce risque reste mal connu ?
Dr J. B-A
. C'était un sujet tabou. Jusqu'à présent, on ne parlait que de l'âge de la femme. Et je n'avais pas beaucoup de succès lorsque j'évoquais l'impact de l'âge du père sur les chances de grossesse. Je suis donc ravie que cette grande étude française mette en lumière ce problème. Mais, attention, ma réaction n'a rien à voir avec un féminisme primitif.

Allez-vous faire de l'information auprès des hommes ?
Dr J. B-A
. Déjà, à Sèvres, nous souhaitons que les hommes de plus de 55 ans qui sont engagés dans un processus de fécondation in vitro rencontrent un psychologue. Parce qu'il ne nous semble pas tout à fait logique de concevoir un enfant à cet âge. Si la grossesse se déroule naturellement, le corps médical n'a rien à dire, mais par Fiv, c'est différent. Je suis contre les grossesses des femmes à 60 ans, et je suis aussi contre la conception d'un enfant à cet âge pour les hommes. C'est aussi pour ces raisons - physiologiques et psychologiques - que j'aurais souhaité que l'on évoque une limite d'âge pour les hommes dans le guide des bonnes pratiques cliniques et biologiques en AMP. Mais, cela n'a pas été retenu.  

Entretien avec C.C.

 

 

 

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