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A l'hôpital de Versailles

Les enfants adoptés ont leur consultation spécialisée

Par Fabien Goubet

Parfois fragilisés, souvent désorientés, les enfants adoptés et leurs parents viennent chercher conseils et repères auprès d’une cellule spécialisée animée par une pédiatre et une psychologue à l’hôpital de Versailles. Reportage.

Ramon Espinosa/AP/SIPA
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Dans son cabinet situé au rez-de-chaussée de l’hôpital Mignot, à Versailles, la pédiatre Anne de Truchis fait tomber la blouse. Sans doute pour mieux supporter la chaleur de l’été. A moins que ce ne soit pour instaurer une relation de confiance avec ses patients. Car de la confiance et de la proximité, il en faut lorsqu’on reçoit toute la journée des parents et leurs enfants adoptés. Anne de Truchis est responsable de la Consultation d’orientation et de conseil pour l’adoption (COCA) de Versailles.


Un suivi psychologique qui peut aller jusqu'à l'adolescence
Depuis bientôt dix ans, ce dispositif propose un accompagnement médical et psychologique à près de 250 familles franciliennes. On y reçoit des couples sur le point d’adopter, des familles qui ont récemment accueilli un enfant, et même « certains parents qui continuent à venir avec leur ado » confie Anne de Truchis. Plus qu’une véritable consultation, il s’agit plutôt d’un accompagnement, d’un suivi psychologique qui ne se substitue pas au suivi médical par le pédiatre attitré. Un service quelque peu méconnu - même si on compte 25 COCA en France -, souvent proposé par des municipalités ou des associations spécialisées. Avec sa collègue, la psychologue Florence de Wailly, elle reçoit chaque famille durant une heure et demi. « Faire les consultations en binôme nous permet d’aborder les problèmes des patients d’une manière pluridisciplinaire, explique la pédiatre, et aussi de nous soutenir mutuellement ». Il faut dire que ces séances sont loin d’être des parties de plaisir. Derrière les apparences, derrière de banales scènes quotidiennes relatées par les parents (refus d’aller au lit, de manger, d’obéir…), se cache parfois une souffrance d’une intensité inouïe. Alors que les deux collègues sont à l’écoute des inquiétudes et des espoirs des parents, elles ne quittent en réalité presque jamais les enfants des yeux. Leurs faits et gestes en disent parfois plus long qu’un long discours.


Des enfants victimes d'un autonomisation forcée

En arrivant dans le cabinet, tous les enfants rencontrés ce jour-là ont manifesté une surprenante autonomie : une fois leurs affaires déposées, ils vont voir les jouets et vaquent à leurs occupations, sans prêter aucune attention aux personnes dans la pièce. Ils semblent autonomes, voire endurcis, même dans ce contexte hospitalier pourtant impressionnant. Mais Anne de Truchis précise : « Il ne s’agit pas d’autonomie mais d’autonomisation forcée. S’ils ne pleurent pas, s’ils n’appellent pas, c’est à cause des abandons successifs qu’ils ont subis. Notre rôle, c’est de les réapprendre à être un enfant ». Pour Florence de Wailly, ces enfants « n’ont pas pu construire de lien d’attachement avec leurs parents. Sans ce dernier, on construit sur du sable et cela aboutit à des personnalités peu empathiques, des enfants peu concernés par leur entourage ». Par leur entourage peut-être, en ce qui concerne les parents, c’est une toute autre histoire.


Aider à devenir parents
Pour leurs parents, ils sont vus comme le centre de l’univers. Ici, un petit garçon de trois ans qui pique de vilaines crises lorsqu’il ne peut pas dormir avec ses parents. Là, une fillette qui, à défaut de faire le bébé pour attirer l’attention de sa mère, mime encore et encore un petit chaton dans les jambes de sa maîtresse. Ou encore cette autre fillette à la peau noire qui souffre des regards de ses camarades de classe car sa mère est blanche. Sous sa panoplie de petite fille modèle, elle peine à dissimuler une profonde souffrance, peut-être par peur de décevoir ou parce que cela lui rappelle cruellement l’absence de lien biologique. Tous ces détails poignants, qui prennent parfois aux tripes les soignants, n’échappent pas au binôme. Mais pas question de donner des solutions toutes faites aux parents. « Il n’y a rien à théoriser, devenir parent, c’est le fruit d’une expérimentation constante, ce sont ces succès et ces échecs qui nous construisent. Nous les incitons à réfléchir par eux-mêmes et à trouver les solutions au fond d’eux » conclut Anne de Truchis. Et ça semble fonctionner : en raison du succès de ce COCA, il faut désormais attendre un an pour être reçu en consultation.