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Tarifs

Les spécialistes soumis à la transparence

Par Mathias Germain

Au-delà de 80 euros d'honoraires, les médecins vont devoir établir un devis. Une volonté de transparence qui ressemble à un encadrement des prix.

Si le montant de l'honoraire total dépasse les 80 euros, les médecins, quel que soit leur secteur d'activité, devront préalablement remettre au patient un devis. Un décret devrait officialiser cette mesure dans les prochaines semaines. Pour le gouvernement, l'objectif est de favoriser la transparence tarifaire. « Cela fait suite aux dépassements d'honoraires, jugés trop nombreux et trop fréquents, explique le député UMP Jean-Pierre Door, cardiologue de formation. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a tiré la sonnette d'alarme l'année dernière dans un rapport.
En quinze ans, le montant global des dépassements a doublé pour atteindre 1, 578 milliard d'euros en 2005. L'IGAS notait aussi qu'en matière de dépassement, les pratiques sont très disparates entre les praticiens, et surtout au sein d'une même spécialité. Par exemple, 90% des ophtalmologues pratiquent un taux moyen de dépassement de 27% mais les 10% restant ont un taux de dépassement supérieur à 119%. « Même nous, les généralistes nous avons un problème de lisibilité, témoigne le Dr Fabien Quédeville, président du syndicat des jeunes médecins (SNJMG). Quand on envoie un patient chez un spécialiste, nous ne savons pas à quoi nous en tenir si nous n'avons pas de correspondant régulier dans la spécialité concernée ».
Pour l'IGAS, la qualité des informations dispensées aux assurés est « très insuffisante ». « Non seulement, les textes sur l'affichage sont très mal appliqués dans les cabinets, mais les informations délivrées par l'assurance maladie sont extrêmement pauvres », soulignaient les auteurs du rapport en avril 2007. Ces constats ont pesé pendant les discussions sur le financement de la Sécurité sociale pour 2008.
C'est pourquoi la ministre de la Santé a ajouté en novembre dernier une disposition obligeant les médecins libéraux à présenter : 
« une information écrite préalable précisant le tarif des actes effectués ainsi que la nature et le montant du dépassement facturé, dès lors que ses honoraires dépassent un seuil fixé » par les ministres chargés de la Santé et de la Sécurité sociale ». C'est la mise en application de cette obligation qui se prépare actuellement. Les ministères de Roselyne Bachelot et d'Eric Woerth ont fixé le montant à 80 euros.

Ce montant a été défini à partir d'études faites à la CNAM, qui montrait que la moyenne des dépassements d'honoraire à partir des actes les plus courants se faisait entre 80 et 100 euros. Pour l'instant, la fourchette basse a été choisie, mais, il est possible qu'à la dernière minute, ce seuil soit relevé à 100 euros. « Nous pensons que le seuil de 80 euros est trop bas, estime le président de la CSMF. Cela inclut tous les actes d'imagerie par exemple, et dès qu'une consultation est couplée à un acte technique, ce seuil est très vite atteint. » A l'inverse le vice-président du syndicat des ophtalmologues, le Dr Jean-Bernard Rottier, estime que le seuil de 80 euros ne sera pas  atteint par une majorité des ophtalmologues. « Je rappelle qu'en secteur I le tarif de la consultation est de 28 euros, et qu'en secteur II la base du remboursement se fait à partir de 23 euros. Donc pour la majorité des praticiens qui ne fait pas de dépassements excessifs, cette mesure ne les concernera pas. Cela fera de la paperasserie en plus pour des actes lourds comme les traitements au laser", estime le Dr Rottier.

Sur le fond, la majorité des syndicats de médecins approuve le principe de transparence tarifaire. Et chacun rappelle qu'il a à disposition des praticiens des modèles d'affichette de tarifs à punaiser dans leur salle d'attente. En outre, la loi de financement de la Sécurité sociale 2008 rappelle que « le professionnel de santé doit afficher de façon visible et lisible dans sa salle d'attente ou à défaut dans son lieu d'exercice les informations relatives à ses honoraires, y compris les dépassements qu'il facture ». Sous peine de sanctions à encore définir.

 

Questions au Dr Marie-Pascale Quirin, présidente de l'association des anesthésistes libéraux 

Une mesure qui en cache d'autres 

 

 

La mise en place de ce devis vous surprend-t-elle ?
Dr Marie-Pascale Quirin.
Le principe général ne nous gêne pas. Le patient et la mutuelle ont le droit de savoir exactement quel est le montant du remboursement ou de la prise en charge qu'ils vont avoir à faire. D'ailleurs, nous nous sommes déjà engagés à faire des devis complémentaires. Notamment pour les suppléments dans le cadre de la prise en charge de la douleur qui ne sont pas encore comptabilisés dans la nomenclature. Et je rappelle qu'une majorité d'anesthésistes exerce en secteur I.

Qu'est-ce qui pose problème ?
Dr M-P. Q
. La crainte, c'est ce que cache cette mesure. Aujourd'hui, on instaure une obligation à 80 euros, les professionnels acceptent, puis après cet encadrement ira jusqu'où ? Ce n'est pas anodin de créer cette obligation d'information. En outre, je ne comprends pas pourquoi ce seuil s'applique à tous les secteurs confondus. Va-t-on sacrifier le secteur II ? Créer le secteur optionnel ? Il faut voir dans le cadre du projet de loi de financement pour l'année 2009, si les tarifs pour les plateaux techniques progressent ou pas. Les chirugiens ont fait des propositions, nous, les anesthésistes aussi. Seront-elles retenues ?


Comment expliquer ce choix des 80 euros ?
Dr M-P.
Q. La CNAM nous avait montré que la moyenne nationale des dépassements d'honoraires était aux alentours de 100 euros. Or, cela ne correspond à rien parce que les pratiques sont très disparates en fonction des spécialités, des régions. Cela peut aller de zéro à 3000 euros. Je crois qu'ils se sont focalisés sur les actes chirurgicaux les plus courants, comme les varices. Et le gouvernement a choisi la fourchette basse pour se laisser de la marge pour négocier. Entretien avec MG