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parents mais aussi médecins responsables

Médicaments inutiles ou dangereux pour les enfants

Par le Dr Jean-François Lemoine

Toux, maux de tête, rhume... sont des symptômes qui font partie du développement normal de l'enfant et qui la plupart du temps illustrent la mise en place de ses défenses immunitaires qui le protégeront toutes sa vie. "Toux, maux de tête, rhume... provoquent la prise de trop de médicaments inutiles ou dangereux", estime, à juste titre, l’association UFC-Que Choisir dans son numéro du mois de mars. Les mauvaises habitudes sont tenaces. Pourquoi ces symptômes normaux qu’il faudrait respecter, sont trop traités et surtout trop vite. Ce que les parents ignorent, les médecins le savent très bien.

oksun70/Epictura

Les médecins justifient la prescription trop systématique de ces médicaments, par la pression des parents lors des consultations. Le recours de médicaments dans la trousse familiale, se justifie par un raisonnement très simple : Si l’on prescrit trop de médicaments à un petit enfant, c’est qu’il en a besoin ! Toutes les mamans vous le diront ; qu’il tousse, qu’il ait de la fièvre, les yeux qui pleurent, la peau qui gratte ou les oreilles qui coulent, et toute la famille s’inquiète et veut agir avec ce que l'on trouve en vente libre en pharmacie.

L’immunité une bataille sans merci

Pour les symptômes, rien à dire…Sauf qu’ils sont, la plupart du temps normaux, et la traduction de la formidable bataille de l’immunité qui se joue dans le corps de l’enfant. Le combat de la vie, qui est toujours celui contre les ennemis extérieurs, commence dès la naissance. Il est féroce dans les premières années. 

Très schématiquement, la bataille contre les ennemis extérieurs concerne deux acteurs très complémentaires : les lymphocytes T qui détruisent toutes les cellules inconnues au bataillon et les lymphocytes B qui produisent les armes de destruction, très spécifiques, qui ne seront efficaces que si l’ennemi a l’outrecuidance de revenir. C’est d’ailleurs ce qui a donné naissance à la théorie de la vaccination.

Sachez que le nouveau-né possède très peu de ces cellules à la naissance et n’est protégé que par les défenses de sa maman, transmises par le sang du cordon et l’allaitement lorsque c’est le cas.

Le bébé va donc devoir s’adapter, mener le combat de l’immunité, le combat de la vie qui va lui permettre de faire face aux agressions qui menacent l’homme depuis la nuit des temps et contre lesquelles sa « mémoire cellulaire », transmise par ses parents, sait fabriquer les armes.

Cependant son système immunitaire est immature et parmi ces centaines de milliers de vaccinations qu’il va subir en respirant, mangeant ou suçant tout ce qu’il trouve à terre, quelques ennemis vont passer à travers les cellules.

Pas de panique ! Exemple, la fièvre.

Les principaux ennemis sont de deux types.

D’abord, les plus nombreux, les virus, la plupart très bénins et c’est plutôt bien car on ne possède pas d’armes spécifiques contre eux. Ensuite les bactéries ; beaucoup moins nombreuses mais plus préoccupantes. On possède heureusement contre elles des médicaments très efficaces mais à ne prescrire que lorsque l’on est certain de leur présence.

Contre les virus et les bactéries, lorsque les lymphocytes n’ont pas encore réussi à agir, le plan B du corps est aussi un plan orsec : la fièvre.  Elle  n’est pas qu’un signe d’alerte. L’augmentation de la température de notre corps est le premier mécanisme de réponse à l’agression extérieure. Les virus n’aiment pas le chaud. Notre corps le sait et, grâce à un centre de contrôle situé dans notre cerveau, décide de pousser les feux. La chaleur est alors produite par nos cellules qui sont de véritables centrales chimiques, par notre alimentation et par nos muscles. C’est d’ailleurs pour cela que l’on frissonne de façon incontrôlable lorsque la fièvre monte… et qu’après une bonne grippe on est plein de courbatures. Les limites acceptables de notre température sont bien connues. En dessous de 30° et au-dessus de 42° notre vie est en danger, ce qui laisse toutefois une bonne marge si la température dite « normale » est aux environs de 37°. C’est surtout chez le tout-petit que la fièvre inquiète. Alors, il faut se donner des règles. Tant qu’une fièvre récente est inférieure à 40°, il faut la respecter et la contrôler. Entre 38 – 38,5 le niveau sera acceptable pour tout le monde. Pour atteindre ce chiffre il faut utiliser des moyens simples : découvrir votre enfant même s’il refuse et qu'il frissonne. Si possible, il faut également aérer la chambre pour que la température – celle de la chambre !- soit aux environs de 20°. Ensuite, vous pouvez utiliser le bain, mais en respectant une règle simple. La température de l’eau ne doit pas être inférieure à 2° de celle de l’enfant. Les bains froids sont, en effet, déconseillés. Ce bain ne doit pas durer plus de 10 minutes et vous pouvez laisser l’enfant sécher sur une serviette sans le frictionner.

Toutefois de plus en plus de médecins sont défavorables à ce bain, encouragés par les recommandations des autorités sanitaires, qui disent du bain qu’il  n’est envisageable que si l’enfant aime particulièrement l’eau – cela on s’en doutait – et plus ennuyeux, cette pratique guère efficace peut, paraît-il, augmenter le mal être de l’enfant. 

En revanche, le paracétamol, tout en faisant boire copieusement son enfant et en surveillant sa température, est très efficace et sans danger. Bébé avec toutes ces précautions ne risque plus rien. L’inflammation est une autre grande catégorie de réponse de l’organisme avec son cortège de sécrétion du nez des oreilles ou des poumons…

Dans la grande majorité des cas, il est urgent d’attendre

Attention aux traitements symptomatiques trop rapidement prescrits, car si les symptômes persistent  plus de 2 jours ou si la fièvre monte largement au-dessus de 40, c’est alors au médecin de famille de jouer au docteur. Toutefois le match contre la sur prescription n’est pas gagné. Car le médecin pressé risque de faire le mauvais raisonnement : un symptôme, un médicament. Nez qui coule égale produit contre le nez qui coule, grosse toux, sirop contre a toux, yeux qui pleurent... Et hop ! un collyre. Ce n’est pas cela une médecine efficace et surtout qui réfléchit. C’est vrai que cela demande une force de persuasion importante contre … la mère ! Plusieurs études réalisées ces dernières années ont démontré que les médicaments n’étaient pas systématiquement utiles pour traiter les maux bénins chez les enfants. "

C’est avec l’éclairage de ce long plaidoyer, qu’il faut lire la mise en garde l'excellent dossier de Que Choisir.

Le rhume : pas de sprays antiseptiques

En cas de rhume, l’UFC-Que Choisir recommande d'utiliser le sérum physiologique en dosette ou l’eau salée en spray plusieurs fois par jour, y compris pour éviter la toux. L’association estime néanmoins qu’il faut oublier les sprays antiseptiques ou décongestionnants pour le nez (officiellement contre-indiqués pour les moins de 15 ans), de même que les suppositoires combinant un antiallergique et du paracétamol, ou encore les inhalations à base d’huiles essentielles. Très tendance ces derniers temps, elles peuvent pourtant entraîner un risque de convulsions chez l’enfant, à cause notamment du camphre ou de l’eucalyptus.

La toux : oubliez les sirops

Pour traiter la toux, inutile de compter sur les sirops, suppositoires ou poudres, dont l’efficacité reste à prouver mais dont la totalité a des effets indésirables. C’est en supprimant la cause de la toux qu’elle s’atténuera, précise l’association. En général, "empêcher l’écoulement des glaires du rhume dans la gorge en désobstruant le nez, avec du sérum physiologique ou de l’eau de mer stérile, est la mesure la plus efficace".

Douleurs et fièvre : merci le paracétamol

Si l’enfant supporte bien la fièvre, il n’est pas toujours utile de la traiter car elle participe naturellement à la lutte contre les virus. Si elle persiste, le paracétamol (Doliprane, Dolko, Dafalgan pédiatrique) est idéal, à condition de bien respecter la posologie.

En cas de douleurs, le paracétamol est encore le médicament de premier recours. Notamment pour traiter les maux d’oreilles, de tête, de gorge ou les douleurs dentaires. L’ibuprofène peut être plus efficace pour soulager les douleurs intenses et les traumatismes.

L’hydratation, le meilleur anti-diarrhée

Enfin, la meilleure solution en cas de diarrhée aiguë consiste avant tout, à prévenir la déshydratation, en particulier chez l’enfant de moins de deux ans. Ne le bourrez pas de médicaments, faites le boire. Certains médicaments estampillés anti-diarrhée peuvent avoir des effets délétères sur la santé comme l’Imodium enfants délivré sur ordonnance, qui peut provoquer des syndromes pseudo-occlusifs en bloquant le transit et l’exposer à des somnolences gênant la réhydratation.

"De même, les antiseptiques intestinaux (panfurex, nifuroxazide), également sur ordonnance et réservés aux plus de 2 ans, n’ont aucun effet sur la diarrhée aiguë et sont même potentiellement toxiques pour l’enfant (troubles allergiques, effets indésirables cutanés graves…)".