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Procréation médicalement assistée

L'Académie de médecine favorable à l'autoconservation d'ovocytes

Par Anne-Laure Lebrun

Les Académiciens sont en faveur d'une modification de la loi pour que les Françaises puissent faire conserver leurs ovules si elles le souhaitent.

SIPANY/SIPA

L’Académie nationale de médecine se prononce en faveur de l’autoconservation des ovocytes pour convenance personnelle. Une prise de position progressiste rendue publique ce lundi 13 juin, à quelques jours de la publication d’un avis très attendu du comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur l’ouverture de l’aide à la procréation médicale (AMP) à toutes les femmes.

Mais les débats sur ce sujet polémique ont été houleux. Il aura fallu plus d’un an et demi de travail aux académiciens – médecins, pharmaciens ou encore biologistes – avant de procéder au vote. Le texte a été adopté à une majorité toute relative avec 54 voix pour, 12 contre et 22 abstentions.


Inégalités

Il faut dire que les membres de l’Académie n’y vont pas de main morte pour critiquer la législation en vigueur dans notre pays. Comme ils le rappellent en introduction, seules les jeunes femmes atteintes d’un cancer ou menacées d’une insuffisance ovarienne prématurée peuvent avoir recours à la vitrification des gamètes.

Les femmes « soucieuses de préserver leur fertilité et sans projet immédiat de grossesse » partent alors en Espagne, Belgique ou encore Royaume-Uni pour conserver leurs ovocytes. Un départ injustifié pour l’Académie. « Si l’on accepte d’aider par AMP les femmes qui sont devenues hypofertiles pour avoir délibérément reculé l’âge de leur grossesse […], l’autoconservation pour soi-même des ovocytes pratiquée dans la même logique ne déroge pas à l’éthique », estime l’institution. Elle dénonce également l’inégalité avec les hommes qui peuvent faire conserver leur sperme dans des cliniques privées sur simple ordonnance.

La loi a ouvert une brèche

Une situation d’autant plus « hypocrite » qu’en modifiant les conditions du don d’ovocyte, la loi de bioéthique de 2011 a ouvert une brèche, relèvent les académiciens. Depuis janvier 2016, elle offre la possibilité aux femmes n’ayant jamais procréé de conserver une partie de leur don, si le nombre le permet. Les donneuses pourraient en bénéficier ultérieurement en cas d’infertilité. « Une loi médicalement et éthiquement inacceptable », jugent les académiciens, ajoutant qu’elle « peut être perçue comme un chantage ou un leurre ».

De fait, « compte tenu de la large priorité accordée aux dons, les chances pour ces donneuses de conserver des ovocytes pour elles-mêmes sont quasi nulles », expliquent-ils. « Il faut en effet au moins 15 à 20 ovocytes vitrifiés pour raisonnablement espérer une grossesse plus tard », ajoutent-ils. Pour obtenir cette quantité de gamètes, les donneuses devraient subir 3 ou 4 cycles de stimulation ovarienne, alors qu’un seul aurait pu suffire. « Un défi insurmontable quel que soit l’engagement de ces jeunes femmes », accuse l’Académie de médecine.

Au vu des ces limites, les académiciens considèrent que la loi actuelle est « inapplicable » et doit être amendée. Ils recommandent que l’autoconservation des ovocytes soit réservée aux femmes majeures et âgées de moins de 35 ans. Ces dernières devront bénéficier d’une information « exhaustive » sur les méthodes et leur coût ainsi que les chances de succès, risques d’échecs et de complications. Un suivi à long terme des mères et des enfants issus de ces techniques est « hautement souhaitable », concluent-ils.