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Journée européenne

Antibiotiques : près d'une prescription sur deux est inutile

Par Anne-Laure Lebrun

Depuis 10 ans, la consommation d'antibiotiques ne diminue pas en médecine de ville. L'usage vétérinaire affiche, lui, une réduction.

simply/epictura

La France reste l’un des plus gros consommateurs d’antibiotiques d’Europe, selon le dernier rapport annuel présenté par les 3 principales agences sanitaires du pays (1) ce vendredi à l’occasion de la journée européenne d’information sur les antibiotiques. Cette place de mauvaise élève est largement liée à la consommation en médecine de ville. Plus de 90 % des antibiotiques utilisés en France en 2015 y sont prescrits.

Un constat qui ne change pas d'une année sur l'autre. Ainsi, en 2015, les Français ont consommé en moyenne 29,9 doses d’antibiotiques pour 1000 habitants et par jour, contre 28,9 doses/1000 personne en 2013. « Sur 10 ans, la consommation d’antibiotiques en ville s’inscrit à la hausse, mais il faut relever que la consommation en 2015 demeure à un niveau inférieur à celui observé au début des années 2000 », note le rapport.


Hétérogénéité des pratiques et des résistances

Il faut toutefois signaler que l’usage de ces précieux médicaments en ville n’est pas homogène sur le territoire. On constate en effet que les régions d’Outre-mer consomment moins de 20 doses d’antibiotiques pour 1000 habitants et par jour alors que les Hauts-de-France affichent le taux le plus élevé avec plus de 32 doses pour 1000 habitants et par jour. La pénicilline représenterait plus d’un tiers des prescriptions.

Or, tous les experts sont unanimes : entre 30 et 50 % des prescriptions sont inutiles. Des surconsommations et mésusages qui génèrent des résistances aux antibiotiques. Un phénomène inquiétant d’autant que des résistances aux médicaments de dernier recours, tels que les céphalosporines de 3e générations chez les bactéries Escherichia Coli responsable des infections urinaires, sont de plus en plus fréquentes. La région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) serait la plus touchée par cette résistance, alors que la Bretagne est la moins concernée.


L’hôpital aussi est concerné

Selon les auteurs du rapport, cette hausse serait liée à la dissémination de bactéries résistantes en dehors de l’hôpital. De fait, les entérobactéries résistantes aux antibiotiques ont été découvertes dans les années 1980 dans les établissements de santé. Les patients porteurs sains ont facilité la propagation de ces bactéries résistantes.

Une émergence de résistance, elle aussi, liée à une prescription trop importante. Avec 383 doses pour 1000 journées d’hospitalisation en 2015, la France se situe au 7ème rang des pays les plus consommateurs. Mais là encore, des disparités régionales existent : la région Grand Est (Alsace, Champagne-Ardenne et Lorraine) consomme plus de 400 doses pour 1000 journées d’hospitalisation tandis que la Bretagne en consomme moins de 330 doses.

Dans nos établissements de santé, la proportion de staphylocoques dorés résistants (SARM) semble diminuer depuis 10 ans, tout comme en ville. Ainsi en 2015, 26 cas de SARM pour 100 000 journées d’hospitalisation ont été recensés contre 58 en 2005.
En revanche, la résistance aux céphalosporines chez E.coli a été multipliée par 4 en 10 ans. Une tendance également observée chez nos voisins européens. Là encore, avec l’Ile-de-France, la région PACA affiche le niveau de résistance le plus élevé, alors que la Bretagne se présente comme le bon élève.


Mieux prescrire

Ces différences entre régions dans ces deux secteurs ne signifient pas qu’il y a des bons médecins d’un côté et des mauvais prescripteurs de l’autre. Les régions ne sont pas frappées en même temps par les mêmes infections et les mêmes agents pathogènes. Néanmoins, les différences de pratique, notamment les habitudes de diagnostic, peuvent être une explication.

C’est pour cette raison que des nouvelles mesures ont été mises en place pour limiter la prescription de ces médicaments comme la rationalisation de la durée des traitements, l'adaptation de l’antibiotique en fonction de la bactérie en systématisant les tests de diagnostic rapide. Rappeler aux patients et aux médecins que « les antibiotiques ne sont pas automatiques » s’avère tout aussi indispensable.


(1) Agence national de la sécurité du médicament (ANSM), Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation et de l’environnement (Anses) et Santé publique France.

Santé animale : 96 % des antibiotiques sont utilisés dans les élevages.

Nous sommes ce que nous mangeons, a dit un jour Jane Goodall, l’une des plus grandes primatologues. Dans ce cas, les Français sont des antibiotiques. Le rapport de l’ANSM, de l’Anses et de Santé publique France montre en effet que 96 % des 514 tonnes d’antibiotiques destinés à la santé animale sont avalés par les animaux que nous consommons.

Un chiffre inquiétant qui est pourtant en baisse depuis plusieurs années. L’exposition des animaux aurait en effet chuté de 48 % depuis 2005, et d’environ 20 % ces 4 dernières années chez les animaux domestiques et d’élevage, selon deux rapports de l’Anses parus ce jeudi.

L’exposition aux antibiotiques importants pour la santé humaine que sont les céphalosporines et les fluoroquinolones ont suivi cette tendance à la baisse. Résultat : les résistances chez E.coli dans les élevages de porc et des volaille ont diminué depuis 2010.

En revanche, une inquiétude persiste en ce qui concerne la colistine. Cet antibiotique est très précieux pour la santé humaine car il est l’un des médicaments de dernier recours. Or, c’est l’une des molécules les plus utilisées dans les filières de volaille et de porc. Du fait de l’émergence de résistance à cet antibiotique un peu partout dans le monde, l’Agence européenne du médicament a recommandé une baisse de 65 % des ventes dans l’Union européenne dans les 4 ans à venir.

Rappelons d’ailleurs que l’Europe a interdit en 2006 l’utilisation des antibiotiques comme facteurs de croissance chez les animaux. L’utilisation des antibiotiques d’importance critique dans le cadre d’un usage préventif a également été prohibée.