C’est un terrible secret que révèlent les carnets posthumes du Premier ministre de Kadhafi. Ces notes, désormais entre les mains de la justice françaises, Mediapart a pu les consulter. Elles reviennent sur le cas des infirmières bulgares, affaire au retentissement mondial, à laquelle elles apportent une nouvelle information.
Les faits remontent à 1998 ; à l’hôpital de Benghazi, 232 enfants sont infectés par le VIH. Le régime de Mouammar Kadhafi accuse une équipe d’infirmières bulgares et un médecin palestinien de l’hôpital d’être à l’origine d’une contamination volontaire. Tous sont envoyés dans les prisons libyennes, où ils resteront huit ans pendant que dehors, les négociations entre l’Union Européenne et la Libye piétinent.
Détourner l'attention
Jusqu’à l’intervention française. Les images sont diffusées partout : Cécilia Sarkozy ramenant dans son avion ces professionnels de santé libérés, après un accord conclu entre le président la République français et son homologue libyen.
L’affaire avait ému le monde et en était restée là, avec un succès diplomatique pour la France et beaucoup d’interrogations sur ce qu’avait bien pu promettre Nicolas Sarkozy. Quant à la contamination des enfants, dont la plupart moururent, elle fut mise sur le compte de mauvaises conditions sanitaires à l’hôpital et d’un accident lors d’une transfusion sanguine.
Les écrits de Choukri Ghanem relayés par Mediapart livrent une toute autre version. L’ancien ministre de Kadhafi rapporte que deux hauts responsables du renseignement libyen auraient inoculé le virus du sida à ces enfants. Ils se seraient procuré ces « fioles de virus contagieux » et auraient empoisonné les enfants de l’hôpital afin de fabriquer un drame sanitaire, humanitaire et diplomatique, et d’en imputer la responsabilité à l’Occident.
A l’époque, le régime est poursuivi pour deux affaires de terrorisme - l'attentat contre le DC10 d'UTA qui a fait 171 victimes, dont 54 Français, le 19 septembre 1989, et l'attentat de Lockerbie en 1988. Il s’agit pour la Libye de Kadhafi de détourner l’attention et de se faire passer pour une victime. Selon ces notes, le chef d’Etat aurait également voulu se venger de Benghazi, ville rebelle au régime.